Une étude de surveillance américaine s'est penchée sur l'état de santé des cours d'eau du pays, d'un point de vue physico-chimique et également biologique. Il ressort que 80 % des cours d'eau en zone urbaine, et près de 60 % en zones agricoles dépassent les concentrations limites admises pour la santé des milieux aquatiques pour au moins un pesticide.
Dans son rapport de 132 pages, le bureau géologique américain (US Geological Survey) a regroupé toutes les études scientifiques relatives à l'évaluation de l'état de santé des quelques millions de kilomètres de cours d'eau qui irriguent les USA réalisées de 1993 à 2005.
« La qualité des cours d'eau est souvent évaluée à travers des mesures des propriétés physico-chimiques de l'eau. Toutefois, l'étude de la faune aquatique résidente en donne une vision plus globale. Des lignes directrices visant à protéger la santé humaine et la vie aquatique ont été établies pour les propriétés physico-chimiques spécifiques de l'eau. Elles sont devenues des étalons utiles permettant d'évaluer la qualité de l'eau », explique le rapport.
La faune aquatique fournit des « informations cruciales supplémentaires » parce que les espèces animales vivent dans les cours d'eau sur un laps de temps plus ou moins long. L'observation de leur population permet aux scientifiques d'intégrer dans le temps les effets de changements à leur environnement physico-chimique.
Les deux tiers des estuaires aux États-Unis ne seraient plus viables pour les populations d'espèces aquatiques : 42 % des cours d'eau américains sont en mauvais état ou présentent une qualité dégradée. Et 80 % des cours d'eau urbains ont au moins un pesticide au-dessus des valeurs limites pour la bonne santé des milieux aquatiques et des organismes qui y vivent. Dans près de 20 % des puits publics et domestiques – qui servent environ 150 millions de personnes –, les eaux contiennent au moins un contaminant à un niveau de risque potentiel pour la santé, selon le rapport.
« Un ou plusieurs pesticides dépassaient les seuils limites admis pour la vie aquatique dans plus de la moitié des cours d'eau sondés. »
Le programme américain d'évaluation de la qualité de eaux (NAWQA) a fait une évaluation nationale des concentrations de pesticides dans les cours d'eau de 1992 à 2001. Il a permis de constater que 56 % de ceux qui avaient été suivis avaient un ou plusieurs pesticides dans l'eau dépassant les normes limites admises par les autorités pour la vie aquatique.
Les cours d'eau en zones urbaines dépassaient dans 83 % des analyses réalisées à partir des points de prélèvement les valeurs limites autorisées, en particulier pour les insecticides utilisant les matières actives diazinon (interdit à la vente pour un usage domestique à la fin de 2004), chlorpyrifos et malathion. Dans les zones agricoles, 57 % des cours d'eau dépassaient les concentrations limites, particulièrement pour les insecticides à base de chlorpyrifos, azinphos-méthyl, dichlorodiphényldichloroéthylène (un produit de dégradation du DDT), et des herbicides contenant de l'alachlore ou de l'atrazine.
« Les pesticides contribuant à la toxicité potentielle des échantillons varient selon les régions en fonction de leur utilisation à travers le pays. » Bien évidemment l'étude montre que « les concentrations de pesticides dans les cours d'eau varient selon les saisons ».
Le NAWQA a constaté que « la toxicité potentielle des mélanges de contaminants dans les sédiments des cours d'eau était plus élevée dans les zones urbaines que dans les cours d'eau situés dans les zones agricoles. » Les échantillons contenant les mélanges de pesticides les plus susceptibles d'être toxiques ont été prélevés dans 31 % des cours d'eau urbains, comparativement à seulement 4 % des cours d'eau dans les zones agricoles.
« Les populations de macro-invertébrés ont été plus fréquemment modifiées dans les cours d'eau contenant des concentrations élevées de pesticides potentiellement toxiques. »
Les effets des insecticides sur les populations de macro-invertébrés restaient flagrants même en tenant compte de l'influence d'autres facteurs. Après ajustement pour les éléments nutritifs, la salinité, l'habitat et l'utilisation des terres, les cours d'eau avec des niveaux d'insecticides dépassant les standards réglementaires pour la bonne santé des milieux aquatiques présentaient 12 % de taxons de macro-invertébrés en moins comparés à la référence.
« Près de 4 millions de miles (plus de 6 millions de kilomètres, NDLR) de ruisseaux et de rivières traversent les paysages des Etats-Unis. Cette immense ressource naturelle offre de nombreux avantages pour la société. Les ruisseaux et les rivières fournissent de l'eau pour les villes et les exploitations agricoles [...] et nourrissent une grande diversité d'espèces végétales et animales. Les changements dans l'utilisation des terres et les demandes croissantes pour l'utilisation de l'eau douce présentent des risques pour la santé des cours d'eau et hypothèquent les bénéfices qu'ils fournissent à la société », souligne le rapport.
Pour en savoir plus, téléchargez l'étude.