Alors que les ministres de l'Agriculture, réunis à Bruxelles, tentent de boucler le bilan de santé de la Pac, le Parlement européen a adopté mercredi, en séance plénière, une position intermédiaire susceptible de concilier les différents intérêts: une modulation moins forte, une hausse limitée des quotas laitiers, des soutiens spécifiques pour la filière laitière et les éleveurs, le maintien d'instruments d'intervention et un couplage des aides aux productions sensibles.
Le Parlement européen a adopté avec une confortable majorité et peu d'amendements les quatre rapports consultatifs de Luis Manuel Capoulas Santos (PSE, PT) sur les différentes propositions de la Commission européenne. «Le contenu de ces rapports est équilibré, il permet de répondre aux défis immédiats et de préparer la future réforme de la Pac après 2013», a déclaré le rapporteur.
Modulation
Le projet de la Commission européenne visant à réduire davantage et très fortement les aides directes aux agriculteurs pour pouvoir renforcer les programmes nationaux de développement rural, la modulation est l'un des plus sensibles, parmi les eurodéputés comme au Conseil. Le Parlement européen demande que le taux actuel de 5% de réduction pour les agriculteurs ne soit porté qu'à 7% au lieu de 13% d'ici à 2013.
Par ailleurs, les députés souhaitent que les agriculteurs recevant moins de 10.000 euros d'aides par an soient exemptés de cette modulation, alors que celle-ci s'applique pour l'instant à tous ceux qui ont plus de 5.000 euros, un amendement adopté par 359 voix "pour", 310 "contre" et 4 abstentions.
Le Parlement demande aussi que la modulation supplémentaire, qui s'appliquera dorénavant aux exploitations recevant plus de 100.000 euros, soit réduite par rapport à ce que propose la Commission (soit 1% de plus, au lieu de 3% entre 100.000 et 199.999 euros; 2%, au lieu de 6% entre 200.000 et 299.999 euros; et 3%, au lieu de 9% au-delà de 300.000 euros).
Par ailleurs, les députés estiment que les fonds supplémentaires dégagés du fait de l'augmentation de la modulation devraient servir à financer davantage de «défis» que les quatre évoqués par la Commission européenne (changement climatique, énergies renouvelables, gestion de l'eau, biodiversité) et que cet argent communautaire ne devrait pas avoir à être cofinancé par les budgets nationaux, comme c'est le cas actuellement pour les programmes de développement rural. Ils soulignent que les mesures financées dans ce cadre devraient viser directement les agriculteurs.
Quotas laitiers
Les eurodéputés acceptent l'augmentation progressive des quotas laitiers de 1% par an jusqu'à la campagne 2013-2014 proposée par la Commission européenne pour préparer leur disparition prévue en 2015. Mais ils demandent à la Commission européenne de réévaluer la situation du marché en 2010 et de faire de nouvelles propositions avant l'expiration des quotas si c'est nécessaire.
Par ailleurs, les parlementaires proposent que les Etats membres qui le souhaitent puissent augmenter temporairement leurs quotas si ceux d'autres pays producteurs sont sous-utilisés. Ils demandent aussi la création d'un fonds laitier pour aider la restructuration du secteur.
Recouplage des aides
Les parlementaires demandent aussi le maintien d'un lien entre certains types d'aides et la production pour les petites productions (fourrages, protéagineux, lin, etc.) et pour soulager les éleveurs dans le contexte actuel des prix élevés de l'alimentation animale, ainsi que la poursuite des aides au tabac jusqu'à la fin de 2012.
Dans le même esprit, le PE est favorable à un élargissement de l'article 68. Ce qui permettra aux Etats membres d'utiliser jusqu'à 15% de leurs enveloppes de fonds communautaires (contre 10% actuellement) pour soutenir des secteurs en difficulté comme l'élevage bovin et ovin et la production laitière et pour contribuer aux systèmes d'assurances et de mutualisation, à élargir la couverture des assurances notamment à tous les types d'aléas climatiques et aux pertes économiques importantes résultant de maladies animales ou végétales, et à augmenter le cofinancement communautaire de ces assurances et des fonds de mutualisation.
Maintien de l'intervention
Enfin, les députés demandant le maintien d'instruments d'intervention ou de gestion du marché dans les secteurs des céréales, de la viande porcine et des produits laitiers. Pour les céréales, ils s'opposent au système d'adjudication proposé par la Commission européenne pour remplacer les mécanismes actuels en blé tendre, mais estiment que l'intervention devrait être limitée aux trois derniers mois de la campagne.
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