L'agence de l'ONU chargée de la lutte contre la faim dans le monde a mis en garde l'Union européenne, jeudi, contre le danger des biocarburants, qui nourrissent la flambée des prix alimentaires.
«Le changement d'orientation en faveur de la production des biocarburants a détourné des terres de la chaîne alimentaire», a souligné la directrice du programme alimentaire mondial (PAM), Josette Sheeran, lors d'une audition devant des députés européens à Bruxelles.
A cause de ce phénomène, «les prix alimentaires atteignent un tel niveau que celui de l'huile de palme en Afrique est désormais au niveau des prix du carburant», a-t-elle souligné.
Elle a reconnu que l'envolée des prix des matières premières agricoles et des denrées alimentaires ces derniers mois était aussi en partie due à la spéculation sur les marchés, mais à ses yeux «des facteurs structurels sont un élément des prix que nous avons aujourd'hui».
Elle faisait référence au choix fait par de nombreux pays industrialisés de développer les biocarburants, fabriqués à partir de matières premières agricoles, pour répondre à la hausse ininterrompue des prix des hydrocarbures.
«C'est peut-être une très bonne affaire pour les agriculteurs mais à court terme les plus pauvres sur la planète seront durement frappés» puisque les cultures destinées aux biocarburants tendent à remplacer celles destinées à l'alimentation humaine», a fait valoir la responsable du PAM.
Dans le cadre de leur stratégie visant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d'au moins 20% d'ici à 2020 par rapport à 1990, les pays de l'Union européenne veulent que les biocarburants représentent au moins 10% de la consommation totale d'essence et de gazole dans les transports européens.
Lundi, lors d'une réunion à Bruxelles, plusieurs ministres européens de l'Environnement ont exprimé leur inquiétude au sujet des biocarburants et de leurs conséquences environnementales et alimentaires, insistant sur la nécessité pour l'UE de prendre des précautions.
«La flambée des cours des denrées alimentaires est un problème majeur», avait ainsi insisté Jean-Louis Borloo.
En outre, la responsable du PAM a réaffirmé jeudi à Bruxelles que la mission de son agence était rendue beaucoup plus difficile par la flambée des prix des produits de base.
«Les prix élevés de l'alimentation ont durement entamé la capacité du PAM à répondre à la faim» dans le monde, avec des coûts pour lui en hausse de 40% depuis juin 2007, a-t-elle dit.
Selon Josette Sheeran, ce phénomène alimente un nouveau type de carence alimentaire dans les pays pauvres, dont les habitants n'ont parfois plus les moyens d'acheter des denrées, même si celles-ci sont disponibles en quantité suffisante, ce qui cause «des troubles sociaux» en Afrique notamment.
Le PAM a déjà prévenu que, faute de fonds supplémentaires cette année, il sera contraint soit de nourrir moins de gens soit de réduire les portions distribuées.
La Commission européenne, qui verse aussi des dizaines de millions d'euros chaque année dans l'aide alimentaire aux pays pauvres, s'était déjà inquiétée en début de semaine de la flambée des prix agricoles, se disant prête à puiser dans ses réserves d'urgence pour ajuster son aide alimentaire mondiale aux besoins.