Les discussions sur la Pac, qui auront lieu en 2008 lors du bilan de santé, doivent être l'occasion de mener une réflexion de fond sur l'avenir de la politique agricole commune et non de traiter celle-ci sous un angle purement budgétaire. C'est ce dont ont convenu la plupart des intervenants à une table ronde sur la Pac organisée jeudi à Marseille par la FNSEA lors de son congrès.
« Quand j'entends parler bilan de santé, je crains que cela ne se conclue par une ordonnance qu'on connaît déjà : un peu mois d'aides, un peu plus de découplage, moins de quotas et moins de protection », a déclaré Henri Nallet, ancien ministre de l'Agriculture (PS). « Pourquoi donner un tour de vis supplémentaire si ce n'est pas inscrit dans les accords à l'OMC ? Les Etats-Unis ne l'on pas fait ».
Henri Nallet estime qu'au contraire la conjoncture agricole actuelle est propice à une discussion de fond : « Les marchés sont bons et nous ne sommes pas étranglés par le budget ni par l'OMC ».
Après avoir dressé le bilan de la politique agricole commune depuis 50 ans (« notamment sur le fait que la Pac aurait ruiné les pays en voie de développement »), l'ancien ministre propose de s'interroger sur les perspectives alimentaires de la planète dans 40-50 ans. « Comment nourrira-t-on le monde et qui le fera? Que les Européens aient un point de vue et qu'ils l'affirment ! Il faut mener une réflexion de fond sur la Pac pour proposer un objectif commun et donner des perspectives », a-t-il déclaré.
Un point de vue partagé par Stéphane Le Foll, député européen (PS), qui estime « qu'il ne faut pas recommencer le débat sur la Pac en parlant des tuyaux et du budget avec l'idée que celui-ci baissera. Nous devons poser les bases de ce que sera l'agriculture européenne dans l'avenir et dire aux citoyens et aux agriculteurs que l'on va discuter des objectifs. En 2050, la planète comptera 9 milliards d'habitants et il faudra doubler la production alimentaire. Il y a là un vrai enjeu mais il faut se mettre ensemble pour peser ».
De son côté, Michel Barnier, ancien commissaire européen et ancien ministre (UMP), affirme « qu'il faut trouver les mots et donner les preuves montrant que la Pac est une politique moderne ».
Placé sur la sellette, Paul-Skitte Christoffersen, chef de cabinet de la commissaire européenne à l'Agriculture, a expliqué au sujet du bilan de santé que « le bilan de la réforme de la Pac est assez positif. Il faut faire des corrections mais pas changer de cap. Le cadre, notamment financier, sera stable jusqu'en 2013. Il faut continuer la modernisation à l'intérieur de ce cadre. En 2008-2009, nous parlerons des orientations mais leur mise en oeuvre se fera après 2013 ».
Néanmoins, Henri Nallet, mais aussi des intervenants dans la salle, se sont inquiétés d'un possible accord à l'OMC après les élections présidentielles françaises. L'ancien ministre a d'ailleurs suggéré que les différents candidats envoient un signal fort afin que Bruxelles ne profite pas d'une certaine vacance du pouvoir en France pour signer un accord. « C'est une question d'intérêt national », a-t-il précisé.
« Il n'y aura pas d'accord à l'OMC s'il n'y a pas un engagement clair et ambitieux sur les aides intérieures américaines », a répondu Paul-Skitte Christoffersen.
En cas d'accord, Henri Nallet craint que « l'on jette le bébé avec l'eau du bain sans trop y avoir réfléchi ». L'ancien ministre évoque ainsi « les conséquences d'un désarmement complet des protections sur l'occupation de l'espace et la sécurité alimentaire ».