La Confédération paysanne a de nouveau investi la Maison du lait, siège de l'interprofession laitière (Cniel) à Paris, mercredi 14 octobre, accrochant ses drapeaux jaunes aux façades du bâtiment haussmanien. Ils sont une cinquantaine à s'être installés dans le hall marbré, amenant pique-nique et apéritif. Après tout, puisqu'ils paient la CVO, comme l'ensemble des producteurs de lait, autant profiter des lieux pour tenir leur conférence de presse, estiment-ils.
Six responsables résument leurs revendications: tout d'abord, rouvrir à la négociation l'accord sur le prix du lait signé le 3 juin dernier, sous l'égide des pouvoirs publics et avec la participation des deux syndicats minoritaires.
Une délégation de six personnes a été reçue plus de trois quarts d'heure cet après-midi par le Cabinet du ministre de l'Agriculture. Elles ne comptaient pas obtenir de réponses, mais marteler de nouveau leurs revendications. En particulier, qu'il est indispensable d'accorder une hausse immédiate du prix du lait. Pour cela, le ministre doit organiser une table ronde dans les plus brefs délais, avec la présence de tous les syndicats, indique la Confédération paysanne.
Pourquoi rediscuter l'accord du 3 juin? Avant tout, parce qu'il ne couvre pas les prix de production du lait, sans même parler de la rémunération du travail, détaille le syndicat. Ensuite, parce que si l'on en croit les industriels, le gouvernement et la Commission européenne, les cours des produits industriels «frémissent». Il est donc normal que la réactivité s'applique aussi à la hausse, et en faveur des producteurs.
«Certains industriels traversent peut-être une mauvaise passe, mais tous ne sont pas dans ce cas, souligne Philippe Collin, porte-parole du syndicat. Les dirigeants de trois firmes laitières (Lactalis, Bongrain et Bel) figurent parmi les 100 plus grosses fortunes de France. Et l'Etat pourrait aider les entreprises en difficulté, comme il a aidé les banques et l'industrie automobile».
«Certaines entreprises ont payé un peu plus en début d'année, parce qu'elles le pouvaient, redoute Yves Sauvaget, de la Manche. Mais si elles respectent l'accord, elles paieront moins que la moyenne en fin d'année».
Deuxième revendication, discuter avec le Cniel de la contractualisation. La Confédération paysanne «demande un accord intégré à un contexte de maîtrise des volumes au niveau européen, en tant qu'outil de perfecionnement d'organisation du marché. Mais pas une contractualisation entre un producteur et un transformateur qui serait d'ordre strictement privé, de laquelle les pouvoirs publics se désinvestissent».
Troisième revendication, discuter, toujours avec le Cniel, de la maîtrise de la production. A long terme, la Confédération paysanne réclame une maîtrise «réelle» des volumes, qui adapterait l'offre à la demande, gérée par les pouvoirs publics. Et non une simple gestion des excédents par des aides au stockage, des restitutions, etc., comme le propose le ministre de l'Agriculture. Le syndicat concède volontiers que les quotas sont imparfaits, et qu'ils peuvent être améliorés. Mais il insiste sur la nécessité de conserver cette maîtrise publique pour le maintien de l'activité sur tout le territoire.
Mais il faut aussi agir à court terme pour sortir de la crise, provoquée par la surproduction européenne et mondiale. «Le quota actuel étant largement supérieur à la demande du marché, il faut le réduire d'autant, en épargnant les petits producteurs», réclame le syndicat. «Quand Mariann Fischer Boel explique que «les quotas ne servent à rien, parce qu'on a beau les avoir augmentés, ils ne sont pas produits», elle déforme la réalité, explique Yves Leperlier, responsable de la commission lait au sein du syndicat. La collecte européenne est passée de 129 milliards de litres en 2003 à 133 milliards en 2008-2009.»
Le syndicat appelle à une grande mobilisation le 19 octobre, jour du Conseil agricole de l'UE.