Partagez-vous la vision française du modèle agricole européen?
L'Italie et la France sont du même côté: contre une vision de l'agriculture qui laisserait tout entre les mains du marché et qui oublierait que l'agriculture n'est pas un secteur comme les autres.
Nous proposons ensemble une vision différente. Nous avons la conviction que la marche vers l'ultralibéralisme condamne à mort l'agriculture et fragilise l'ensemble de notre économie.
La Pac ne doit plus prôner la dérégulation totale. Elle ne doit plus ignorer la faiblesse intrinsèque de l'agriculture, liée notamment à la saisonnalité des produits. Enfin, elle ne doit pas abandonner ses paysans entre le mains du marché. Il est inimaginable de vouloir imposer à l'agriculture les lois applicables dans les autres secteurs. Un éleveur ne peut pas arrêter de traire une vache pour s'adapter au marché!
La France et l'Italie ont une autre chose en commun: la défense d'un modèle agricole fondé sur le territoire, sur des produits à l'identité forte et sur leur qualité. Ce n'est pas par hasard que nos deux pays comptent le plus grand nombre d'AOP ou d'IGP en Europe. C'est notre atout gagnant.
Est-ce à dire que vous avez trouvé une solution commune pour le secteur laitier?
Cette perception commune des problèmes se reflète bien sûr sur la question de la crise laitière. Je voudrais d'abord revenir sur les différents facteurs à l'origine de cette crise.
Avant tout, la crise mondiale a créé un déséquilibre entre l'offre et la demande sur tous les marchés. Les prix payés aux producteurs ne sont plus rémunérateurs. Il faut aussi bien avoir à l'esprit que les politiques européennes vont être modifiées et il faut se préparer à ce changement.
Cela passera par l'instauration de nouvelles règles qui devront donner de la stabilité au secteur pour les années à venir. C'est pourquoi il nous faut trouver des alliés dans les filières et empêcher un appauvrissement, pas seulement économique, de nos productions.
Evidemment dans le marché commun, il n'est pas imaginable que les Etats membres établissent une liste de prix. Ce sont les acteurs de chaque filière qui doivent trouver les solutions pour stabiliser les prix et les volumes de production, en se soustrayant aux spéculations.
En même temps, l'Union européenne doit donner les moyens de rendre ce système possible. Soit nous croyons dans une politique agricole commune, et elle doit donner les moyens d'agir; soit chaque pays fixera ses propres règles.
Quelles pistes proposez-vous?
Dans l'échange que nous avons eu à Rome il y a quelques semaines avec Bruno Le Maire, nous sommes notamment tombés d’accord sur le fait qu'il faut soutenir les producteurs et les consommateurs. Un moyen utile d'y parvenir serait d'introduire l'obligation d'indiquer sur les étiquettes des produits laitiers, l'origine de la matière première. Cela aurait le double avantage de valoriser les productions locales et d'informer le consommateur.
Concernant le marché... les agriculteurs français sont célèbres pour la force avec laquelle ils défendent leurs intérêts. Les Italiens seraient les premiers à descendre dans la rue, avec autant de force que les Français, s'il fallait défendre le produit le plus important qu'ils tirent de leur lait: le fromage. Il est sacré de sauvegarder ses propres productions en se fournissant des moyens pour affronter le marché. Et, dans le document que nous avons signé à Rome en septembre, cette idée était pour nous une question inaliénable.
Si mon collègue, Bruno Le Maire, ne l'avait pas incluse dans le document des Vingt pays signataires, nous ne l'aurions probablement pas signé. Le document reconnaît en effet qu'il est nécessaire que l'UE aide non seulement la poudre et le beurre à faire front face aux marchés, mais aussi les fromages, avec des soutiens au stockage privé et avec une augmentation du soutien aux exportations.