Les experts divergent sur la baisse – ou pas – du pouvoir d'achat des ménages. En tous cat, l'inflation est bien là (3,6% en juillet selon l'Insee) et les Français réalisent des arbitrages dans leurs dépenses d'alimentation, selon deux études à paraître jeudi, l'une de l'INC (Institut national de la consommation), l'autre du cabinet Iri. Ces ajustements se font au détriment des produits de grandes marques.
Les consommateurs ont acheté en volume en juillet 1,4% de moins de produits alimentaires dans les grandes surfaces qu'un an plus tôt, mais à cause de l'inflation ils ont dépensé 3,2% de plus, selon l'étude du cabinet Iri réalisée pour l'hebdomadaire LSA daté de jeudi.
Les Français réduisent les quantités de produits alimentaires achetés depuis janvier. Les produits de grandes marques (comme Danone ou Nestlé par exemple) pâtissent le plus de ces nouveaux arbitrages: il s'en est vendu 4,4% de moins en juillet 2008 par rapport à juillet 2007. Les baisses ont débuté en décembre et la plus forte chute est intervenue en avril (-7%).
A l'inverse, les volumes de produits à marques de distributeurs (MDD), près de 25% moins chères que les grandes marques, continuent de progresser, une tendance observée depuis quelques années.
En juillet, les consommateurs ont acheté 3,8% de plus de produits à marques U (Hyper U), Cora ou Repère (Leclerc), par rapport au même mois un an plus tôt.
Au niveau global, les ventes en valeur ont cependant continué de grimper, de 3,2% en juillet, soutenues par la hausse des prix. La plus forte progression a eu lieu en février (+4,6%).
En juillet, les prix en général ont progressé de 4,1% par rapport au même mois un an plus tôt, selon une étude de Nielsen, également réalisée pour LSA.
Les grandes marques ont augmenté de 3,6%, les MDD de 4,3% et les produits dits de «premiers prix» (meilleur marché que les MDD et grandes marques) de 6,7%.
Les magasins de «hard-discount» (Leader Price, Aldi, Lidl) ont aussi augmenté les prix en juillet, de près de 5%. Cependant, les prix des grandes marques y ont reculé de 4,8%, alors qu'ils ont augmenté dans la distribution classique, de 3,8% dans les hypermarchés et de 3,1% dans les supermarchés.
Industriels et distributeurs expliquent ces augmentations par la flambée des cours des matières premières.
Le pouvoir d'achat moyen des ménages a reculé de 0,4% entre juin 2007 et juin 2008, après une augmentation de 0,8% un an auparavant, indique une étude de 60 millions de consommateurs, le mensuel de l'INC, à paraître jeudi.
Entre juin 2007 et juin 2008, le revenu mensuel disponible moyen par ménage a augmenté de 99 euros, passant de 3.093 euros à 3.192 euros.
Mais chaque mois, l'inflation a absorbé 113 euros, obligeant les ménages à réduire leur train de vie de 14 euros.
Cette année, le pétrole, dont les cours ont atteint récemment des sommets, est la première cause des problèmes de pouvoir d'achat des Français: sur les 99 euros de revenus supplémentaires, 42 ont été consacrés à l'achat de carburants automobile et de fioul domestique.
La hausse des prix du lait, des oeufs, des fromages, viandes, pains et céréales a amputé le revenu moyen de 18 euros.
«Les ménages font des arbitrages dans les dépenses incompressibles (alimentation, logement, santé) pour répondre à la baisse du pouvoir d'achat. Ces arbitrages se font principalement dans l'alimentation», indique Lionel Maugain, responsable de l'étude.
Marques de distributeurs et produits dits de «premiers prix» (meilleur marché mais souvent de moins bonne qualité que les grandes marques, selon des nutritionnistes) ont le vent en poupe.
Or ces produits ont connu les plus fortes hausses ces derniers mois. «Du coup, les ménages au bas de l'échelle sont le plus pénalisés», a ajouté M. Maugain.
Le pouvoir d'achat devrait reculer de 0,8% en 2008, prévoit l'INC, après une hausse de 1,4% en 2007. Ces chiffres détonnent avec l'optimisme de l'Institut national de la statistique (Insee), qui prévoit pour cette année une hausse de 0,9% du pouvoir d'achat, certes en ralentissement par rapport aux 3,3% de 2007, mais soutenu par «une dynamique salariale plus vigoureuse».
Le décalage entre les deux instituts s'explique principalement par le fait que l'Insee n'intègre pas dans son calcul du pouvoir d'achat les dépenses d'achat immobilier, qu'elle considère comme un investissement, une position contestée par l'INC.