Pierre Feillet, directeur de recherche honoraire à l'Inra, publie aux éditions Quae un essai sur le futur de notre alimentation (1).
Sans œillères, Pierre Feillet explore toutes les voies qui s'offrent pour mieux nourrir tout le monde. La population mondiale s'accroît, vieillit, s'urbanise. Le niveau de vie s'élève. Le climat change. L'agriculture a aujourd'hui un impact négatif sur l'environnement. Enfin, les ressources en terre, eau et énergie sont limitées.
Pierre Feillet propose de promouvoir des agricultures durablement productives qui ne seront ni intensives, ni biologiques : « Elles doivent nourrir les hommes tout en optimisant les impacts sociaux, environnementaux et économiques. » Selon Pierre Feillet, ces agricultures s'appuieront sur les avancées de l'agriculture de précision et sur les biotechnologies (dont les OGM). Il souligne qu'il faudra aussi limiter le gaspillage : sur 4.600 kcal produites par personne et par jour, seules 2.000 sont disponibles entre perte et gaspillage.
Pierre Feillet ne croit pas à la création artificielle de viande par exemple (coût actuel d'un steak : 350.000 euros !). Autre piste qui lui semble peu crédible : les insectes pour une consommation humaine directe car il y aura, entre autres, des soucis sanitaires. En revanche, la piste de l'élevage d'insectes pour l'alimentation animale n'est pas à négliger. Pas plus que la culture des microalgues. « Nous devons aussi compter sur la métagénomique qui a permis d'étudier le rôle déterminant des microorganismes dans nos intestins. Ce que nous mangeons a un effet sur l'expression de nos gènes. Les aliments à effet physiologique émergent. »
Le contenu de nos assiettes ne va pas changer. En revanche, le contenu technologique va bouger comme il a déjà énormément bougé : « Le pain d'aujourd'hui, avec les techniques de pétrissage modernes, qui permettent au boulanger de se lever plus tard dans la nuit, est obtenu grâce aux variétés de blé sélectionnées depuis les années 1950. On ne pourrait pas travailler comme cela avec les variétés de 1920. Les IAA devraient arrêter de nous faire croire que nous mangeons le yaourt de nos grands-parents. Il y aurait de graves soucis sanitaires si c'était le cas. Les aliments d'aujourd'hui contiennent une part importante de technologie dont on ne parle jamais. »
Mais comment produire 70 % de végétaux en plus d'ici à 2050 comme le préconise la FAO ? « Le problème est moins technique que politique, économique, lié aux infrastructures et surtout à l'éducation », conclut-il.
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(1) Quel futur pour notre alimentation, Editions Quae Inra. Prix : 16 euros.