La justice, qui a condamné le gestionnaire du réseau français de transport d'électricité RTE à verser près de 400.000 euros à des éleveurs, vient pour la première fois d'établir un lien de causalité entre une ligne à très haute tension et des troubles sanitaires sur des animaux.
Un juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Tulle a condamné, le 28 octobre, RTE à verser 390.648 euros pour le préjudice «direct, matériel et certain» subi par une exploitation agricole implantée le long d'une ligne à très haute tension, à Latronche, dans la Corrèze.
«La justice a directement établi un lien entre cette ligne électrique et les pathologies des animaux» du Gaec, se félicite son avocat, Me Philippe Caetano, engagé depuis 2003 dans une procédure d'abord administrative puis civile.
RTE a annoncé vendredi qu'il fera appel de cette condamnation. «C'est la première fois qu'un juge judiciaire se prononce contre RTE mais toutes les procédures devant des juridictions administratives ont toujours été rejetées», a déclaré Olivier Jallet, chef de la mission "communication et environnement juridique" à RTE Sud-Ouest.
«Les nombreuses études scientifiques indépendantes menées depuis trente ans n'ont pas dévoilé l'existence d'un risque pour la santé à une exposition aux champs électromagnétiques», a-t-il ajouté. En vingt ans, c'est la cinquième procédure contre une ligne électrique de RTE impliquant des animaux.
A Latronche, la ligne à haute tension était devenue en 1990 une ligne à très haute tension (supérieure ou égale à 400.000 volts). L'exploitation agricole de la famille Marcouyoux, spécialisée dans l'élevage bovin et porcin, avait rapidement constaté des problèmes sanitaires affectant ses troupeaux – problèmes respiratoires, baisses des défenses immunitaires – mais ce n'est qu'en 1998 qu'un technicien avait conclu à la surexposition des animaux aux champs électromagnétiques.
«La chambre d'agriculture et les services départementaux s'en sont mêlés, écartant la source infectieuse liée à la mort des vaches», rappelle Me Caetano.
Le jugement rapporte que «la maternité porcine a été arrêtée en raison d'un taux de natalité anormalement bas et d'un taux de mortalité infantile élevé», que «le hangar de stabulation accueille des génisses chétives souffrant pour partie d'hémorragies ou d'avortements inexpliqués» et que «10% du lait est perdu» en raison de maladies digestives ou génitales subies par les vaches.
Michel Marcouyoux, qui a monté en 1974 avec son épouse cette exploitation de 30 ha courant le long de la ligne électrique, se souvient d'avoir vu défiler «il y a une quinzaine d'années» tous les services vétérinaires pour détecter une éventuelle maladie du cheptel.
«On avait le choix de tout abandonner ou de reconstruire un bâtiment 1 km plus loin. C'est ce que nous avons décidé mais on a dû abandonner la porcherie parce que tout était de notre poche pour recommencer», a souligné cet agriculteur de 60 ans.
«Ma femme est sourde, moi aussi et notre fils de 35 ans a des problèmes respiratoires», affirme M. Marcouyoux, qui fait désormais partie d'une association basée en Bretagne «Animaux sous tension». «La nuit, si vous avez un néon à la main près de la ligne à très haute tension, il s'allume tout seul», s'inquiète-t-il.