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Manifestation à Paris

Des paroles d’agriculteurs recueillies place de la Nation

Publié le jeudi 03 septembre 2015 - 19h30

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Venus en bus depuis l'Aveyron, un éleveur témoigne au pied de la statue de la place de la Nation à Paris décorée aux couleurs de son département. « Nous sommes mobilisés depuis des mois contre l'extension des zones vulnérables. Je suis monté à Paris, car on a l'impression de ne pas être écouté en local. » Cet éleveur allaitant, en Gaec avec son frère et son fils, se dit inquiet des conséquences de la sécheresse. « Moi, avec mon système extensif, je ne me plains pas trop. Mais comment vont faire les laitiers qui n'ont pas de stocks fourragers ? L'automne va être très difficile. »

 

Pour les producteurs de lait justement : « Ils n'ont pas tapé assez fort. Tout ce qui a été annoncé par Manuel Valls se fera encore sous conditions, soulignent Dominique Daniélou, producteur laitier du Morbihan. Notre lait est payé 300 à 310 euros les 1.000 litres quand il faudrait 350 euros. Nous n'attendions pas plus. » Eux non plus ne veulent plus « rester à hurler dans leur coin ». « Si on n'étaient pas venus, on n'auraient pas été légitimes. » Ils promettent d'être vigilants sur la suite. « Ce qui nous déplait le plus, c'est le comportement des coopératives. On les a créées et c'est elles qui nous gouvernent ! Elles nous échappent. On nous appelle chefs d'entreprise quand on veut nous brosser dans le sens du poil. Mais vous connaissez beaucoup de chefs d'entreprise qui se font faire leurs factures par leurs clients ? On est intégrés. Nous sommes la variable d'ajustement : vous en connaissez beaucoup des industriels qui vendent à perte ? Heureusement que l'on a nos collègues sur place, les Cuma. On se soutient dans notre coin. »

 

« On a l'impression d'être impuissants devant le monde économique, devant nos coopératives. Quand les agriculteurs en viennent à manifester devant leurs outils de production, les abattoirs de leur coopérative, il y a un gros problème », reconnaît Jean-Michel Garry, agriculteur à Gencay. Néanmoins, les réactions au discours d'aujourd'hui inquiète cet élu de la FDSEA de la Vienne : « Les Bretons et, en particulier, les Finistériens n'ont pas l'air contents des annonces. Pourtant, Xavier Beulin fait un travail colossal pour réunir la profession. Du coup, là, on est inquiets devant les réactions hostiles. On a besoin de solidarité. Il faudra renouer avec eux. »

 

Olivier Launay (photo de gauche), de la FDSEA de la Sarthe, reconnaît aussi le travail mené par le président de la FNSEA : « Xavier Beulin a fait le job ! Il nous a rapporté les réponses qu'on lui a données. Maintenant, l'Etat doit respecter ses engagements, mieux que ceux qu'il avait pris en juin. » Même discours du côté de Cyrille Terrien (photo de droite), producteur de viande bovine et de volailles bio dans le Maine-et-Loire : « Beaucoup de travail reste à faire. Si tout est respecté, c'est un pas en avant. Mais nous serons vigilants après la déception face aux autres promesses de juin. » Thomas Gillic, président des JA du Bas-Rhin, estime que « ce qui est annoncé est un levier important. Mais il faut des actes tout de suite, pas au printemps ! »

 

Francois Fleys, éleveur laitier en Aveyron, ne dit pas autre chose : « Ce plan de soutien nous aide à court terme. Mais l'avenir ce sont des prix. Les industriels investissent à l'étranger pour faire travailler des esclaves. Et nous, on vend toujours nos produits au même prix depuis 20 ans. Mon lait est payé 31 centimes le litre. Il m'a fallu le prix de 5 litres de lait pour payer un café au comptoir ici place de la Nation. Heureusement nous avons eu un soutien incroyable des parisiens, des encouragements ! »

 

La déception a aussi gagné les rangs du Puy-de-Dôme. « Nous sommes déçus, lâchent Denis Gachon et Bruno Cotte, éleveurs dans la région d'Ambert, après le discours de Xavier Beulin. On attendait un peu plus même si on sait que c'est compliqué ». Au-delà des aides d'urgence, eux aussi admettent qu'il faut surtout des prix. « On ne veut plus produire à perte. Il y a eu des manifestations déjà dans notre département. Nos épouses étaient parmi nous même si elles ne sont pas agricultrices car elles voient l'état délabré des finances de nos exploitations et par ricochet... de la famille. Notre coût de production est de 300 euros pour 1.000 litres de lait avant toute rémunération. On nous le paie à ce prix. Il faudrait 70 euros de plus pour pouvoir se rémunérer. »

 

Malaise chez les céréaliers aussi

 

Les céréaliers étaient présents sur la place de la Nation jeudi. Ceux de l'Oise étaient d'abord là pour « faire bloc ». S'ils espéraient que les éleveurs obtiennent quelques aides d'urgence pour sortir la tête hors de l'eau, ils attendaient surtout une vision à long terme pour l'agriculture française en général. Car les céréales ne sont pas épargnées par la crise : « Cette année, les rendements et la qualité est bonne, mais les prix ont chuté : je produis du blé à 160 €/t alors que la cotation rendu Rouen est tombée à 150 €/t », témoigne un céréalier. Il s'inquiète aussi de la dérégulation des marchés sucriers, vu l'état dans lequel a plongé le marché du lait depuis la fin des quotas.

 

« La solution n'est pas simple », renchérit un collègue, qui ne sait pas s'il faut miser sur l'exportation ou se concentrer sur le « manger français ». Il reprend le leitmotiv du leader de la FNSEA : « Moins de normes pour être compétitifs. » Pourtant, ces céréaliers, qui refusent tout clivage qui les opposerait aux éleveurs, restent nuancés : « Faut pas croire qu'on est forcément pour une libéralisation à tout va, ni qu'on s'agrandit pour le plaisir. Pour un modèle de ferme familiale à taille humaine, je signe tout de suite ! Mais s'il faut se battre avec les ex-kolkhozes de l'Allemagne de l'Est, si ce sont ces gigantesques fermes qui donnent le ton, on ne s'en sortira pas... ».

 

« Nous subissons une surenchère de normes : directive nitrates, plan Ecophyto qui vise à réduire de 50 % l'usage des phytos d'ici à 2025... expliquent aussi Philippe, venu de la Côte-d'Or, et Benoît, céréalier dans la Marne. « Mieux utiliser les phytos et si possible en utiliser moins, pour la santé de tous et pour l'environnement, nous sommes d'accord. Nous vivons dans notre environnement, nos enfants y grandissent, nous sommes responsables. Mais il faut chercher à réduire l'impact sur l'environnement avant de chercher juste à réduire les phytos ! Il faut rester performant et compétitif ! »

 

Didier, céréalier dans l'Isère, est, quant à lui, venu en train de Grenoble pour dénoncer les distorsions de concurrence avec les autres pays européens en matière de cotisations de MSA, d'homologation différentes de produits phyto, de coût de la main-d'œuvre... Pour lui, la sécheresse subie depuis ce printemps a aussi fortement affecté ses rendements. Un triste constat qui s'ajoute aux prix en chute depuis deux mois. Les mesures de report proposées par le gouvernement ne le satisfont pas. « Ça ne fait que repousser le problème. » Ça fait quatre ans que ce jeune agriculteur s'est installé, certains jours il regrette. « Je passe trop de temps à remplir des papiers, à répondre aux normes, comme les SIE dernièrement. » Pour Didier, ce sera la cinquième manifestation depuis le début de juillet. « Il faut que ça bouge », implore-t-il presque. Comme beaucoup, il sera à Bruxelles le 7 septembre pour la grande manifestation européenne.

 

67 tracteurs et cinq bus ont aussi fait le déplacement de l'Aisne vers Paris. Parmi eux, Didier Roux, céréalier, juge les annonces « timorées ». Sa principale motivation pour participer à la manifestation : le ras-le-bol du trop-plein de normes. « Quand les normes prennent le pas sur les alternatives techniques, nous sommes dans l'impasse, comme par exemple pour les traitements du colza », surenchérit un collègue du département, Thibault Colzy. Pour Bernard, venu de l'Aisne en tracteur, 250 km aller-retour, les mesures ne suffisent pas. « On veut des prix, moins de charges et moins de cotisations sociales. »

 

Un peu plus loin discutent trois jeunes céréaliers du Bassin parisien. L'un arbore un t-shirt Coordination rurale, l'autre un autocollant FDSEA-JA, le troisième n'a pas d'étiquette. « Les clivages on s'en fiche, on a tous les mêmes problèmes », expliquent-ils en substance. Ce qu'ils attendent ? Ils ne savent pas bien. Ce qu'ils dénoncent : « Trop de normes, et pas de visibilité sur notre métier. »

 

Témoignages recueillis par Aurore Cœuru, Bérengère Lafeuille, Florence Melix et Marie-Gabrielle Miossec

 

 


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Les commentaires de nos abonnés (4)
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aliment

samedi 05 septembre 2015 - 09h10

il n,e faut pas tout mettre sur le cout de l'aliment. le prix de cet aliment ( ble, proteagineux, orge, mais) est pour le producteur, au plus bas depuis plus de 30 ans. les transformateurs ont leur part de responsabilité., sans doute. mais si les éleveurs sont d'accord pour ne pas vendre à perte, ils doivent admettre que les cerealiers et producteurs d'aliments non transformés ne peuvent pas non plus vendre à perte. la seule solution, c'est le prix de vente du produit qui est en cause, et non pas le prix d'achat de cet aliment. quand le gouvernement aura compris que ce n'est pas au contribuable de remunerer le paysan (eleveur, laitier ou cerealier), mais au consommateur, on aura fait un bout du chemin. le ble baisse, pas la baguette, ni les pâtes. le lait baisse, pas la brique de lait, ni le yaourt, ou le fromage la sncf, edf et autres ajustent leurs prix en fonction de l'inflation, ou des charges. NOUS AUSSI NOUS VOULONS LE FAIRE AVEC LE RATTRAPAGE DEPUIS LA PAC DE 1992. la pac socialiste de 1992 nous a mis sur la paille.il est temps de curer la ferme france
commentaires agriculteurs

michelh77
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éleveur

vendredi 04 septembre 2015 - 16h55

* Message Il est vrai que les prix payés à l'éleveur sont bas.Pour le porc par exemple : 1.37 le kg.Cela pourrai peut être passer sans vivre sur l'or si l'aliment n'était pas si chère.Car ce qui plombe les trésoreries aujourd'hui c'est en premier l'aliment.Le prix du blé , du maïs, du soja est en chute libre quand le prix de l'aliment ne baisse pas.Les firmes d'aliment , les coop ne jouent pas le jeu pire s'enrichissent sur notre dos en achetant des laiteries, des usines.Que fait Xavier Beulin à la tête d'usine d'aliments pour bétails.On attaque les grandes surfaces , pourquoi n'attaque t-on pas ces gros fabricants d'aliments?

réaction 365

vendredi 04 septembre 2015 - 12h16

...ou trop d'enfant,... non je plaisante. mais vous avez raison sur tout ce que vous dites, la différence c'est qu'il y a 30 ans les exploitations dégageaient plus de revenus, que l'état ne prenait pas tout, que ce qui restait pouvait être placé et rapporter un peu ce qui permettait le cas échéant de pouvoir racheter le capital de l'exploitation et racheter la part des frère et sœur. Tout le monde si retrouvait, et les exploitations perdurait. Maintenant sauf à l'enfant unique, une ferme rapporte moins, ce qui reste est archi taxé, et si on peut encore en placer, cela ne rapporte rien et ne permets aucunement de racheter la part des frères et sœur. Alors certains vont encore nous dire que c'est parce que les fermes sont trop grosses, mais si elles sont plus petites elles ne permettent pas de vivre correctement sauf à travailler à coté, ou avoir un marché de niche à forte rentabilité, qui reste par définition, un marché de niche. Alors tant que le gouvernement et nos politiques ne comprendront pas que sur une ferme il faut dégager des résultats, et des liquidités, pour pouvoir en placer sans tout se faire pomper, pour le moment venu, pouvoir faire perdurer sa ferme, on va dans le mur, et les fermes disparaitront. Et bientôt, ce seront les chinois ou les saoudiens qui achèteront

Titre

vendredi 04 septembre 2015 - 09h44

Cette manif et ces annonces ne règlent rien du tout.Moi je me suis installé en 1986; avec le recul je me dis que j'ai fait l'erreur de ma vie. Quand à mes enfants, je ne vois pas comment je pourrais leur conseiller de reprendre l'exploitation pour les raisons suivantes: 1) aujourd'hui je fais des pertes et pour l'instant il n'y a pas de porte de sortie si les prix restent bas et les charges sociales et fiscales exorbitantes; 2) le salaire de mes enfants en sortant juste de leurs études est supérieur au mien en fin de carrière (négatif en 2014/15; 2016: aïe!! ce sera encore pire!!); 3)il faudrait diviser l'exploitation par le nombre de mes enfants et donc, sauf à être pluri-actifs, ils crèveraient de faim toute leur vie et si l'un d'entre eux rachète les parts des autres, il ne s'en sortira jamais alors que les deux autres seront aisés. Morale: trop de capital engagé et trop de travail pour aucune rentabilité: donc : basta pendant qu'il est encore temps. Mieux vaut récupérer le capital et l'investir ailleurs.
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