Le gouvernement s'est prononcé, vendredi, pour l'interdiction du traitement insecticide Cruiser OSR du groupe suisse Syngenta, utilisé pour les cultures de colza. « J'ai averti le groupe qui commercialise le Cruiser que j'envisage de retirer l'autorisation de mise sur le marché », a déclaré le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll.
Cette décision intervient après la remise, le matin même, au ministère de l'Agriculture, d'un avis de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) demandé en mars dernier par le ministre précédent, Bruno Le Maire. La France avait, dans le même temps, saisi la Commission européenne et l'Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments).
L'Anses relève, dans son avis, l'impact néfaste sur les abeilles d'une des molécules actives du Cruiser, le thiamethoxam, démontré par deux études récentes.
Les abeilles qui consomment du nectar contenant cette molécule à faible dose seraient susceptibles de troubles de comportement affectant leur capacité à revenir à leur ruche. Cet effet pourrait alors contribuer au déclin des colonies concernées, a précisé le ministre.
L'Anses reconnaît que les doses utilisées par les chercheurs étaient supérieures aux doses usuelles, mais estime qu'une exposition à cette dose « ne peut être totalement exclue dans des circonstances particulières ». Elle relève aussi que d'autres études vont dans le même sens. L'agence recommande de poursuivre les travaux de recherche et appelle à une « évolution de la réglementation européenne ».
L'agence indique que l'Efsa a été « associée à l'Anses aux auditions réalisées et aboutit à des conclusions comparables ».
« L'étude examinée par l'agence montre que les méthodologies d'évaluation actuelles ne permettent pas d'évaluer complètement ce type d'effet, en particulier lorsque la plante traitée est une plante nectarifère qui permet à l'abeille butineuse de s'alimenter », souligne Stéphane Le Foll, qui a décidé de « saisir sans attendre la Commission européenne de ces questions. Un travail dans ce sens a déjà été confié à l'Efsa mais il conviendra de s'assurer que l'évolution des méthodes d'évaluation prendra bien en compte ces nouveaux éléments. »
« Dans l'attente de ces travaux, il m'apparaît également nécessaire de demander immédiatement à la Commission de réexaminer les conditions d'approbation de la substance active pour son utilisation en traitement des semences de colza, poursuit le ministre de l'Agriculture. Parmi les usages autorisés pour cette substance, l'usage sur colza, ainsi que le souligne l'Anses, apparaît préoccupant de par le caractère nectarifère du colza. Il sera donc nécessaire que la Commission soit en mesure d'apporter des réponses claires sur ce point avant la campagne de semis de colzas à venir. »
Rappelant que les abeilles et les bourdons contribuent à la pollinisation de 80 % des plantes à fleurs produisant fruits ou légumes, le ministre de l'Agriculture a souligné que des alternatives existaient pour la protection du colza. « Si le retrait de l'autorisation est confirmé, les agriculteurs auront donc des solutions », a-t-il affirmé.
Syngenta, qui a 15 jours pour faire part de ses observations avant que l'interdiction définitive soit prononcée, dénonce « une décision qui utilise comme prétexte une seule expérience non validée et très éloignée de la pratique agricole, en contradiction avec les observations sur le terrain en France et en Europe ». La firme affirme qu'elle « s'emploiera à défendre ses autorisations de mise sur le marché ».
La Coordination rurale et l'Organisation des producteurs de grains (OPG), sa branche spécialisée, « s'étonnent qu'une autorisation de mise sur le marché (AMM) qui a été délivrée il y a un peu plus d'un an, puisse être retirée en aussi peu de temps ». « Si ce produit était toxique, pourquoi a-t-il été autorisé ? Si au contraire il ne l'est pas, pourquoi le retirer ? Surpuissance des environnementalistes ou surpuissance de la phyto-chimie ? », se demandent les syndicats.
Défenseurs de l'environnement et apiculteurs ont, en revanche, applaudi à la nouvelle. « C'est super ! », a réagi le député Gérard Bapt (PS), qui avait récemment demandé l'interdiction du Cruiser dans une lettre ouverte aux ministres de l'Agriculture et de l'Environnement. L'Unaf (Union nationale de l'apiculture française) se « réjouit de cette annonce » mais alerte sur l'urgence d'une interdiction effective, à quelques semaines du traitement des semences de colza pour les semis de 2012. Pour France Nature environnement, « c'est enfin un pas dans la bonne direction ».
Tous ont souhaité aussi que tous les types de Cruiser, utilisé aussi pour le maïs, les pois et les betteraves, soient interdits, et plus largement encore toute la famille des néonicotinoïdes, à laquelle appartient aussi le Gaucho.
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normal-bis-
vendredi 01 juin 2012 - 18h38
Comme précédemment, le nouveau ministre fait de la politique, avec un petit "p", pour faire plaisir à son électorat. Cette décision sera invalidée ensuite, faute de faits probants, mais en attendant, ce sera, encore, sur le dos de la production agricole qui perdra un facteur d'amélioration de productivité. Et dire qu'on parle de réindustrialisation, quelle blague!