La charcuterie française espère décrocher, lors de la première visite du président François Hollande à Pékin, le précieux sésame qui lui ouvrira les portes du gigantesque marché chinois.
L'affaire est loin d'être « anecdotique », souligne-t-on à l'Elysée, où l'on se prend à rêver que la charcuterie connaisse « un destin identique » à celui des vins français, qui ont totalisé 842 millions d'euros de ventes l'an dernier sur le marché chinois.
Soucieux de réduire un déficit commercial considérable avec la Chine (26,1 milliards d'euros l'an dernier), Paris entend ne négliger aucune piste et valoriser les points forts de l'économie française, parmi lesquels l'agroalimentaire figure en bonne place.
Depuis trois ans, la filière porcine française (Inaporc) négocie avec les autorités chinoises les termes de l'indispensable protocole sanitaire qui autoriserait l'importation de charcuteries françaises. Tout devait être bouclé d'ici au jeudi 25 avril, jour de l'arrivée de François Hollande à Pékin, pour une signature par les ministres de l'Agriculture des deux pays, Stéphane Le Foll et Han Changfu, mais un obstacle de dernière minute pourrait contrarier ces projets.
Echaudées par le scandale de la viande chevaline et les doutes qu'il fait peser sur la traçabilité des produits, « les autorités chinoises arguent du fait qu'elles n'ont pas visité les établissements français qui sont susceptibles d'exporter », explique Guillaume Roué, président d'Inaporc et lui-même éleveur à Landerneau (Finistère). « Soit elles lèvent cette condition, soit elles ne la lèvent pas », constate-t-il. « Au pire, ce ne sera que partie remise, il faut être patient. »
En Chine, explique encore Guillaume Roué, l'économie de marché cohabite avec « toute la technostructure administrative qui a besoin d'être rassurée et qui prend donc son temps ». M. Roué a cependant déjà fait ses comptes : « A 6 euros le kilo de charcuterie, chaque fois que l'on vendra 10.000 tonnes, ça fera 60 millions de chiffres d'affaires ». Or, selon lui, « il n'y a pas de limite, s'il y a un marché ». Un objectif à 100.000 tonnes ne lui paraît ainsi « pas déraisonnable ». En ligne de mire : les 200 à 300 millions de Chinois des classes moyennes et leur pouvoir d'achat grandissant.
Attirés par une alimentation à l'occidentale, une « frange d'épicuriens » saliverait déjà sur les charcuteries sèches, saucissons, saucisses et autres jambons crus français. Pour Guy Dartois, président de la Cooperl, importante coopérative de Lamballe (Côtes-d'Armor) qui réunit 1.200 producteurs, « il est toujours nécessaire, pour faire de bonnes affaires en Chine, d'avoir un agrément politique de bon niveau », ce que pourrait apporter la visite de François Hollande. « Et le fait de faire partie de sa délégation nous donnera une sorte de certification aux yeux de nos interlocuteurs chinois », note-t-il.