Une étude réalisée par Vincent Chatellier et Hervé Guyomard de l'Inra présente l’impact de la redistribution des 1,25 milliard d’euros d'aides en 2010, faisant suite aux décisions de Michel Barnier du 23 février 2009, et ce selon cinq scénarios. Elle mesure l'incidence sur les différents systèmes de production et dans les 22 régions françaises.
La redistribution induit un transfert des régions localisées au nord d’une ligne allant de Bordeaux à Metz vers celles situées au sud de cette ligne où se trouvent la quasi-totalité des zones défavorisées simples et des zones de montagne. La redistribution se fera principalement au détriment des producteurs de grandes cultures et au bénéfice des éleveurs d’herbivores, singulièrement ceux engagés dans des systèmes extensifs. L'étude conclut que les choix récents vont dans le sens d’une limitation assez significative des écarts dans le montant du paiement unique par hectare entre catégories d’agriculteurs.
Avec une baisse des aides directes de 5.900 € en moyenne, les producteurs de grandes cultures verront leur revenu dépendre encore davantage de la conjoncture des prix. Les éleveurs d’herbivores gagneront d’autant plus à la redistribution que la part de l’herbe dans la surface fourragère est importante. Le gain pourra se transformer en perte dès lors que le poids du maïs ensilage est élevé, comme pour les éleveurs de bovins laitiers et de bovins à viande de la plaine qui verront leur revenu quinquennal moyen diminuer d’environ 5%. Les éleveurs de montagne enregistreront un gain de revenu de plus de 25% dans le cas des éleveurs laitiers et d’un peu plus de 12% dans le cas des éleveurs de bovins à viande.
Les soldes résiduels (514 millions d’euros au titre du découplage des grandes cultures COP et 90 millions au titre du découplage de la PMTVA) sont supposés alloués sur la base des références historiques individuelles.
Les producteurs de grandes cultures enregistrent une diminution du montant total d’aides directes de 5.900 euros en moyenne nationale, montant qui correspond à une baisse des aides directes perçues en 2007 de 16% et à une baisse du revenu quinquennal (2003 à 2007) de 17%. Cette baisse pourra pénaliser les unités localisées dans les zones dites intermédiaires où les rendements et les revenus sont plus faibles, d’autant plus si la conjoncture des prix est défavorable. La baisse des aides, élevée quand elle est exprimée en pourcentage des aides directes totales perçues ou des revenus, l’est moins quand elle est rapportée à la production ou au chiffre d’affaires: le revenu futur des producteurs de grandes cultures dépendra donc d’abord de la conjoncture des prix.
Les exploitations laitières connaissent une augmentation du revenu de 2%, avec de fortes variations selon le système technique et les régions, en fonction des productions agricoles associées à l’activité principale. Les éleveurs de bovins laitiers herbagers enregistrent une augmentation du montant total d’aides directes de 5.700 euros par exploitation (hausse des aides directes de 22% et hausse du revenu quinquennal moyen de 23%), alors que les unités laitières diversifiées (-6% de revenu) ou spécialisées en système «maïs non limité» (-3% de revenu) sont économiquement légèrement perdantes.
Les exploitations laitières herbagères d’Auvergne (+30% de revenu) et de Franche-Comté (+28%) sont donc parmi les plus grandes bénéficiaires des décisions prises le 23 février dernier. Mais la suppression des quotas laitiers à horizon 2015 pourrait être d’autant plus préjudiciable pour les exploitations de montagne qu’elles souffrent de plus faibles gains de productivité du travail et de coûts de collecte du lait plus élevés qu’en plaine.
Les éleveurs de bovins à viande spécialisés enregistrent une augmentation du montant total des aides directes de 2.000 euros par exploitation (hausse des aides directes de 5% et hausse du revenu quinquennal moyen de 8%). Ce gain est plus faible que celui des exploitations laitières ou ovines localisées en zones herbagères, puisque les exploitations de bovins à viande se voient prélever la moitié des 25% du montant de la PMTVA pour alimenter les aides aux superficies de prairies, bénéficiant à l’ensemble des exploitations d’herbivores.
Les exploitations diversifiées de bovins à viande perdent, en moyenne nationale, 1.000 euros par exploitation, soit -4% du revenu. La baisse du revenu est particulièrement forte dans les régions où l’activité bovine est associée aux grandes cultures, comme c’est le cas de la Picardie (-20% de revenu) ou de Champagne-Ardenne (-12%). Dans le Limousin (+21%) et dans le Midi-Pyrénées (+6%), ces exploitations sont, en revanche, gagnantes du fait des nouvelles primes aux superficies d’herbe et de la revalorisation de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN).
Les éleveurs d'ovins et de caprins enregistrent une hausse d’aides directes de 7.800 euros par exploitation (hausse des aides directes de 29% et hausse du revenu quinquennal moyen de 43%). Le gain est plus élevé que dans les autres types de production d’herbivores dans la mesure où les éleveurs d’ovins et de caprins bénéficient non seulement du nouveau soutien à l’herbe, mais aussi de la nouvelle prime ovine et caprine tout en gardant le bénéfice de l’essentiel de l’ancienne prime à la brebis et à la chèvre (PBC): cette dernière est certes découplée, mais le fruit de ce découplage reste alloué, à hauteur de 87,5%, sur la base des références historiques individuelles. En outre, ces éleveurs bénéficient, à compter de l’année 2009, de la revalorisation de leurs aides découplées à hauteur de 25 millions d’euros à partir de la réserve.
Le revenu des éleveurs d'ovins et de caprins des zones de montagne augmente de près de 60%, sur la base cependant d’un niveau initial de revenu nettement inférieur (16.800 euros par exploitation sur les cinq années 2003 à 2007) à la moyenne française, toutes exploitations agricoles confondues (32.400 euros).
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