Vous vous opposez aux mesures de soutien au marché des produits laitiers avancées par la Commission européenne. Pourquoi?
Je pense qu'un changement est nécessaire au niveau européen. Je ne peux sûrement pas soutenir une proposition qui consiste à concentrer les aides sur le lait en poudre ou le beurre, parce que ce serait au seul avantage des transformateurs, et que cela n'apporterait aucun bénéfice aux producteurs, qui sont à la base de l'agriculture européenne.
Que suggérez-vous plutôt?
La proposition de l’Italie est très simple et je pense qu'elle apportera des bénéfices à long terme, tant pour les éleveurs que pour les consommateurs. Je propose que les 600 millions d'euros prévus pour financer le retrait du lait en poudre et du beurre servent à aider les producteurs à cesser leur activité. Je pense à ceux qui sont déjà marginalisés, et qui sortiront inévitablement du marché, tôt ou tard.
Ce programme se fonde sur le paiement de 0,20 € par kg de quota cédé par le producteur à l'Etat membre, ce dernier étant tenu de ne pas réattribuer ces volumes à d'autres producteurs. Cette proposition est née du constat que la réalité du secteur laitier en Europe est très compliquée: sur les 2,5 millions d'élevages laitiers dans l'Union européenne (UE), plus que de 2 millions sont de petits élevages avec moins de 20 vaches. Il est évident que les plus petites exploitations rencontrent des difficultés à poursuivre leur activité, et qu'elles sont condamnées à disparaître à moyen ou long terme. A un moment de récession comme celui-ci, je suis convaincu que de nombreux petits producteurs seraient bien contents d'adopter cette solution, en vendant leur quota à l'UE via l'Etat, plutôt que d'attendre une cessation qui arriverait de toute façon.
Globalement, j'estime qu'il serait opportun, au terme du régime des quotas, de disposer de nouveaux moyens de gestion des volumes, des surplus qui auraient des effets déstabilisants sur la filière.
Quelle est la situation en Italie?
La crise est effectivement très grave. Dans notre pays comme ailleurs dans le monde, elle est surtout la conséquence de la contraction de la demande. Mais en Italie, les coûts de production sont plus élevés que dans les autres pays européens, et beaucoup d'exploitations n'ont pas une taille suffisante.
Notre combat se concentre sur le prix du lait et sur les coûts de production, qui, paradoxalement, pénalisent les produits de qualité. Il est indispensable de contrôler systématiquement le mécanisme de formation des prix, d'établir une adéquation entre l'offre et la demande, et de trouver une solution qui satisfait tous les segments de la filière, des producteurs aux transformateurs, des consommateurs à la distribution.
Je ne crois pas, à cette phase, qu'il soit nécessaire d'affecter des aides à l'industrie. En revanche, il faut se préoccuper des éleveurs, qui constituent le maillon faible de la filière. A ce propos, je peux annoncer que jeudi 23 juillet je présenterai un décret – qui sera ensuite proposé à l'échelle communautaire – pour étendre au lait l’étiquetage d'origine obligatoire. Si nous réussissons à faire passer notre position auprès de l'Europe, comme nous l'avons déjà fait pour les huiles vierges et extra-vierges, une plus grande transparence offrira des avantages indéniables aux producteurs, mais aussi aux consommateurs qui pourront enfin connaître avec exactitude la provenance du lait qu'ils achètent.
L'Italie a obtenu une hausse de 5% de quota dès cette année...
C’est vrai, mais il faut tenir compte du fait que, jusqu’à présent, l’Italie se trouvait dans un situation unique en Europe: presque la moitié du lait commercialisé en Italie n’est pas du lait italien. C'était une nécessité de résoudre ce problème avant tout, mais nous savons très bien qu'il faut voir au-delà des frontières nationales pour résoudre la crise.
Comment est organisée la filière laitière en Italie? Existe-t-il une interprofession laitière, comme en France? Et comment est fixé le prix du lait?
Nous avons eu, par le passé, des expériences d'interprofession, et je suis en train d'essayer de relancer une structure interprofessionelle. Malheureusement, la réglementation communautaire ne nous aide pas à atteindre cet objectif.
En ce qui concerne le prix à la production, je travaille à rapprocher les positions des différentes parties, afin d'arriver à un accord, qui manque dans cette période.
Actuellement, le prix oscille entre 25 et 35 centimes d'euro par kg, selon les spécificités locales, mais la majorité des volumes sont achetés entre 27 et 30 centimes par kg par les industriels. Je relève que la situation est rendue plus critique par la présence de lait provenant des nouveaux pays membres, qui sont proposés à moins de 20 centimes par kg.
Autre point: la crise de la filière d'engraissement est-elle critique?
Les principales filières de l'agriculture italienne, parmi lequelles l'élevage de bovins à viande, ont en commun une intégration insuffisante entre les différents maillons (production-industrie-distribution). Cet état de fait expose les deux acteurs les plus faibles, l'éleveur et le consommateur, et les rend vulnérables à chaque augmentation des coûts, car les intervenants plus forts répercutent sur eux leurs stratégies de défense de leurs propres marges.
Dans l'élevage d’engraissement également, il y a une crise et, si on n’intervient pas rapidement avec des projets de développement, de nombreux élevages vont fermer. L'élevage des bovins d’engraissement est soumis au prix élevé des broutards, achetés principalement en France, et à la concurrence de la viande étrangère qui arrive en Italie à des prix très bas. La grande distribution fait le reste, en imposant des prix d'acompte et des promotions qui mettent en crise la filière entière.
Le ministère de l'Agriculture soutient-il cette filière? Comment?
Nous sommes en train de définir un plan national pour la viande, auquels travaillent conjointement des éleveurs et les services du ministère. Le plan permettra, avec l'adoption de systèmes de qualité et de traçabilité des viandes, de développer une communication forte pour valoriser la viande produite en Italie.
Y a-t-il des aides aux éleveurs ou des primes pour encourager l'engraissement?
Nous travaillons à l'application de l'article 68 du règlement européen 73/2009 du bilan de santé de la Pac, pour soutenir et développer, grâce à des prix élevés, l'élevage de vaches allaitantes de races inscrites dans les livres généalogiques, et en encourageant l'élevage des veaux lourds qui associent la traçabilité (étiquetage) à une démarche qualité.
L'Italie est-elle tenue d'appliquer la directive nitrates?
Nos éleveurs subissent des surcoûts énormes avec l'application de la directive nitrates. Le gouvernement a défini, avec les régions d'élevage, un plan stratégique national de soutien aux investissements nécessaires pour adapter les structures aux contraintes imposées par la directive. Quelques régions ont prévu des mesures spécifiques dans leurs plans de développement rural.
Lors du comité européen nitrates du 9 juin 2009, l'Italie a demandé des dérogations à la directive.
Je pense que vingt ans après la promulgation de la directive 91/676, au-delà de ces actions de soutien, il faudra réclamer, au niveau européen, une évaluation des limites qu'elle impose. L'Italie, tout comme la France et les autres pays méditerranéens, ont des caractéristiques pédologiques et climatiques, et des techniques d'élevage qui peuvent justifier l'augmentation des seuils d'azote et une flexibilité plus grande dans son application.
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