La Commission européenne a publié mercredi un rapport sur la crise laitière. Ceux qui en attendaient des propositions novatrices seront déçus.
Mariann Fischer Boel, commissaire européenne en charge de l'Agriculture, avait reçu comme consigne, de la part des ministres européens de l'Agriculture, de rester dans le cadre de la réforme de la Pac.
Elle s'en tient donc à des mesures techniques limitées de soutien (aides au stockage, intervention et restitutions à l'exportation...), l'assouplissement des règles d'octroi d'aides publiques en relevant le plafond à 15.000 euros (aides «de minimis» incluses), ou encore des programmes de promotion des produits laitiers. Le rapport énumère également une série de mesures déjà décidées, comme le versement anticipé des paiements directs ou des aides spécifiques pour les productions vulnérables (article 68).
Bruxelles envisage aussi d'autoriser les Etats membres à conserver les pénalités des éleveurs en dépassement, même si le quota est respecté au niveau national. L'argent dégagé pourra être réaffecté «au financement de l'abandon volontaire de la production».
Par ailleurs, le rapport exclut fermement un gel ou une baisse des quotas. De telles mesures «ne feraient que créer de l'incertitude, retarder le processus de restructuration et ne rendraient pas service aux producteurs de lait, qui ont besoin de directives claires pour planifier leur avenir», estime la Commission.
Les syndicats agricoles restent divisés sur la voie à suivre, bien qu'ils réclament tous davantage de régulation et protestent unanimement contre le libéralisme de Bruxelles. Le Copa, dont la FNSEA est membre, se montre assez frileux. Il demande un plus grand recours aux outils existants de soutien des prix (stockage, intervention et restitutions), une relance de la consommation et davantage de transparence des prix et des marges, mais ne sort guère des limites établies par Bruxelles. Quant à une baisse des quotas, le Copa estime que ce n'est pas la solution.
Les syndicats européens «contestataires» Via Campesina (auquel adhère la Confédération paysanne) et European Milk Board (EMB, auquel adhèrent l'OPL et l'APLI), réclament au contraire une réduction de 5% des quotas et une régulation au niveau européen.
L'EMB regrette «la tendance que manifeste la Commission de l’UE à abandonner de nouveau plus fortement la politique agricole aux différents Etats membres (augmentation de la limite "de minimis") prend à contre-pied une politique agricole cohérente pour une agriculture multifonctionnelle et, en outre, instaure des distorsions de la concurrence entre les agriculteurs des différents pays européens». Le syndicat appelle la Commission, le Conseil des ministres de l’Agriculture et, à l’avenir, le Parlement européen à «assumer leurs responsabilités et, en réagissant rapidement, empêcher que les producteurs laitiers d’Europe mettent la clef sous la porte».
Paradoxalement, un soutien inattendu pourrait leur venir de l'Europe. Plus précisément du Parlement européen. Le 21 juillet, sa nouvelle commission agricole a auditionné la Commission européenne et les syndicats sur la crise laitière. Ses conclusions sont sévères: «Les mesures prises ou envisagées par la Commission sont insuffisantes.» Mariann Fischer Boel est donc attendue pour le 1er septembre avec d'autres propositions. La majorité des députés, toutes tendances confondues, s'est prononcée pour «un réajustement des quotas», en suspendant leur hausse, voire en les baissant.
«A l’exception de quelques membres du groupe des ''libéraux'', la majorité des députés a estimé qu’on ne pouvait pas enterrer aussi vite les quotas laitiers pour les supprimer en 2015, se félicite la Confédération paysanne dans un communiqué, publié à l'issue de la rencontre avec la commission agricole du Parlement. Il est maintenant temps que dans chaque pays, les gouvernements et les ministres de l’Agriculture prennent leurs responsabilités et demandent la réouverture de la question du maintien des quotas laitiers, comme les députés européens les y invitent. Il est aussi grand temps que Mariann Fischer Boel laisse la place à un commissaire européen qui donnera un avenir à la production laitière, à l’agriculture et à ses paysans.»
«La France et l’Allemagne partagent le constat de la Commission sur les difficultés que rencontre la filière laitière», expliquent les ministères de l'Agriculture français et allemand dans un communiqué commun. En revanche, les deux pays estiment que «les réponses proposées ne sont pas à la hauteur des défis de ce secteur. La France et l’Allemagne feront des propositions complémentaires dans le courant de septembre en lien étroit avec leurs partenaires européens.»
En France, le Parti socialiste estime que «la droite est complice d'une implacable restructuration». «Alors que les éleveurs français pourraient se sentir soutenus par le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, sitôt nommé, s’est dit en accord avec l’objectif de suppression des quotas laitiers pour 2015, indique un communiqué du PS. Le ministre a beau jeu de défendre aujourd’hui le gel à court terme de l’augmentation des quotas, dans la mesure où il plaide à leur disparition à long terme!»
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