Les défenseurs de l'environnement dénoncent un coup de canif dans le Grenelle après les déclarations du chef de l'Etat samedi, au Salon de l'Agriculture, appelant à revoir l'impact des mesures environnementales en agriculture face à la concurrence des pays voisins.
Nicolas Sarkozy a demandé à Bruno Le Maire et Jean-Louis Borloo de tenir, « dès la semaine prochaine, un premier groupe de travail autour d’une nouvelle méthode d’analyse des mesures environnementales en agriculture, qui sera articulé autour de trois axes : une analyse comparée avec ce qui se fait chez nos partenaires européens, une étude d’impact économique et social de cette mesure sur les filières françaises, et un chiffrage du bénéfice attendu pour la société », indique un communiqué de l'Elysée.
Une phrase du discours de Nicolas Sarkozy, en particulier, passe mal : « Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d'environnement. Parce que là aussi, ça commence à bien faire » – même s'il avait préalablement assuré « croire en une agriculture durable ».
Ces propos, tenus sur le salon en présence des personnalités du monde agricole, sont vécus comme une trahison des engagements du Grenelle et de la « révolution verte » promise en 2007.
« C'est le retour du double langage : on commence par dire qu'on croit à une agriculture durable et quelques secondes plus tard on la démolit. C'est une remise en cause du Grenelle et même une trahison », estime ainsi Lylian Le Goff, expert de la fédération France Nature Environnement (FNE) pour les questions agricoles et alimentaires. M. Le Goff – et d'autres – relèvent que ces propos surgissent à huit jours des élections régionales, après une entrevue avec les responsables de la FNSEA, le principal syndicat agricole.
« Sarkozy envoie des signaux aux agriculteurs avant les régionales. Mais opposer environnement et agriculture est tout à fait contraire à l'esprit du Grenelle, qui avait justement voulu les réconcilier », juge Arnaud Gossement, du Réseau Environnement et Droit.
« Au moment où, dans le domaine de l'eau, la France est sévèrement mise en cause pour les retards pris dans l'application des directives relatives à la protection des captages et aux nitrates, la décision de remettre en cause le volet agricole du Grenelle constitue un signal extrêmement négatif envoyé aux autorités européennes », a estimé dimanche le porte-parole de l'association Eau et Rivières de Bretagne, Jean-François Piquot. « Ce recul ignore les engagements européens de la France », a-t-il poursuivi dans un communiqué.
Pour sa part, le MDRGF (Mouvement pour la défense et le respect des générations futures) considère que Nicolas Sarkozy a « mis un grand coup de frein » à la mise en œuvre des mesures du Grenelle, « notamment la réduction de l'usage des pesticides » de 50 % qui est l'une des mesures phares du Grenelle, selon le président de l'association, François Veillerette. Le président a « cédé aux pressions de la FNSEA et des lobbies agro-industriels », accuse le communiqué du MDRGF.
Dans la foulée du Grenelle, le ministère de l'Agriculture avait mis en place en 2008 le plan Ecophyto qui vise à réduire de moitié, « si possible », l'usage des pesticides en dix ans.
Le ministre du développement durable, interrogé dimanche soir sur RTL a voulu calmer le jeu : « Je ne vois pas en quoi c'est un recul. Il y a un problème de paperasse et de modalités qu'il faut revoir », a-t-il déclaré, faisant valoir qu'il « n'y a pas un chef d'Etat qui ait mené depuis deux ans et demi une politique de soutien à mon ministère de manière aussi importante. Il ne nous a jamais lâchés. »
Mais en l'absence de détails, chacun redoute un enterrement de première classe et tous font valoir que la France est « bien loin derrière d'autres pays européens en matière de progrès environnementaux, en particulier pour l'agriculture biologique », comme le note José Bové, ancien porte-parole de la Confédération paysanne, aujourd'hui eurodéputé écologiste (Europe Ecologie).
« Puisque [le président] veut regarder ce qui se passe chez nos voisins, l'Italie fait mieux en termes d'emplois et l'Allemagne fait mieux en termes d'environnement, conserve ses emplois et elle exporte des produits bio, alors que nous, nous importons près de 70 % des produits bio que nous consommons », reprend M. Le Goff. Il relève aussi que « ce système productiviste est aussi un tueur d'emplois : il se nourrit en faisant plus avec moins de main-d'œuvre et on perd chaque année 35.000 exploitations ».
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