Confrontée à une révolte des boulangers allemands et aux intenses pressions du secteur alimentaire, la Commission européenne a réduit ses ambitions visant à mieux régenter l'affichage des vertus nutritionnelles des aliments.
«Riche en fibres», «riche en calcium», «faible teneur en matières grasses», «pauvre en sel», «fait baisser le cholestérol»: Bruxelles voulait au départ que toute l'industrie alimentaire prouve à l'avenir la véracité de telles affirmations barrant emballages et publicités.
Mais les groupes de pression de l'industrie alimentaire se sont déchaînés dans les coulisses bruxelloises, des bouchers aux biscuitiers, en passant par les marchands de glace, de boissons énergétiques, de produits au soja, ou de margarine.
En Allemagne, les boulangers ont pris ouvertement les armes, créant l'émoi en affirmant que Bruxelles allait désormais dicter la recette du traditionnel bretzel.
Finalement, le sacro-saint pain complet allemand sera grandement épargné, et même tous les aliments de base, a tranché le président de la Commission José Manuel Barroso, dans une lettre envoyée au Parlement.
«Les fruits et les légumes, la viande, le poisson, le lait, les oeufs et les pains traditionnels ne seront pas couverts par les profils nutritionnels proposés», précise-t-il dans sa lettre.
La notion de «pain traditionnel» inclut les pains riches en fibres, comme le levain, mais exclut le pain blanc peu vertueux. Le pain traditionnel pourrait se définir comme contenant «au moins 3 grammes de fibres par 100 grammes», selon Bruxelles.
Une définition déjà rejetée par un responsable allemand de la «Confédération européenne des organisations nationales de la boulangerie et de la pâtisserie», convié jeudi après-midi dans le bureau de la commissaire à la Santé Androulla Vassiliou.
Au départ, la viande devait par exemple comporter moins de 5% de graisse saturée pour revendiquer certains bienfaits pour la santé. Désormais, même un paquet de lard pourrait théoriquement y prétendre.
M. Barroso prévoit aussi de donner une plus grande liberté d'affichage à certains «produits traditionnels», comme les jambons ou les fromages d'appellation d'origine contrôlée.
Ruth Weale, spécialiste alimentaire au Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), se dit «choquée par la tournure des événements».
«M. Barroso est allé trop loin, a trop lâché», face aux puissants groupes de pression de l'industrie, s'insurge-t-elle. «Le but était d'empêcher les consommateurs d'être trompés dans leurs achats, la situation est devenue ridicule!»
Sans compter qu'il n'y a aucune définition de «produits traditionnels», note-t-elle. Les galettes bretonnes ou les shortbreads écossais, riches en beurre, pourront-ils réclamer une exemption?
Resteront sous le coup du règlement la plupart des aliments transformés, de nature plus industrielle, notamment ceux avec du sucre ajouté comme les gâteaux et le chocolat, ou les aliments plutôt salés comme les biscottes.
Ils ne devront pas par exemple dépasser un certain niveau de sel, fixé très précisément, pour pouvoir être libellés simplement comme «riches en fibre».
Les organisations de consommateurs regarderont aussi de près tous les seuils fixés, mais soupçonnent déjà qu'ils seront trop bas.
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