Les abricots de la vallée du Rhône seront quasi absents des étals cet été: un phénomène dit de «gelée noire» a touché les vergers de cette région durant le week-end de Pâques et près de 80% de la production d'abricots est considérée comme perdue.
Dans la Drôme, premier bassin de production d'abricots en France avec 7.000 hectares, le président de la FDSEA, Jean-Pierre Royannez, estime à «au moins 80%» la perte de la récolte de 2008.
«C'est affreux, il n'y a pas de mots», a-t-il témoigné. Selon lui, le chiffre d'affaires du secteur des abricots va être amputé de 50 à 60 millions d'euros pour l'année.
Dans le Gard, deuxième département producteur, «la production d'abricots, qui s'annonçait prometteuse, n'atteindra probablement pas 20% du potentiel d'environ 35.000 tonnes», déplore la chambre d'agriculture.
Mais cette nuit de gelée noire, un phénomène qui se caractérise par l'absence de différence de température entre le sol et le sommet des arbres, n'a pas touché que les abricotiers.
Dans la Drôme, les cultures de nectarines et de kiwis sont affectées au même niveau que celle des abricots, et celle des pêches à 60%.
Dans le Gard, la production de pêches et de cerises ne sortira pas indemne de cette nuit de gel. Au niveau des pommes et des poires, les conséquences devraient être de l'ordre du qualitatif – anneaux de gel, déformations des fruits – plutôt que du quantitatif, selon la chambre d'agriculture.
Dans le Vaucluse, la FDSEA s'attend à une proportion allant de 60 à 80% de pertes pour les fruits à noyaux, plus sensible que les fruits à pépins.
Dans la nuit de dimanche à lundi de Pâques, la température est descendue jusqu'à -6°C dans certains secteurs de ces départements, un phénomène d'autant plus exceptionnel dans le sud que le thermomètre a chuté dès 23h00.
A cette heure, «il faisait zéro degré», témoigne Alain Giran, propriétaire de 15 ha d'abricotiers à Beauvoisin (Gard). «Pour les abricots qui étaient déjà gros comme des petites olives, c'est une température critique», précise-t-il.
Le mercure a continué à descendre. Conséquence: dans le Gard, certaines parcelles d'abricotiers, l'espèce la plus précoce parmi les arbres fruitiers, ont été décimées. Des parcelles touchées inégalement, en fonction de leur situation, de la variété du fruit mais aussi de la protection contre le gel mise en oeuvre par le producteur.
Pour Alain Giran, entre 30 et 60% de sa récolte ont été sauvés. «Parce que je suis dans les veinards», dit-il. Dans la nuit, il a allumé dans son verger des «chaufferettes» qui ont réchauffé l'atmosphère autour des arbres. Une chaleur répartie par cinq ventilateurs. Mais tous les arbres en dehors du système antigel «ont gelé complètement», déplore-t-il.
«C'est un coup dur pour la filière», constate Pierre Lalanne, un des responsables de la chambre d'agriculture du Gard. Celle-ci connaît des difficultés depuis quelques années, avec des prix de revient «qui ne couvrent pas toujours les frais de production», explique-t-il.
Selon M. Lalanne, les arboriculteurs devraient dans les prochains jours déposer des demandes d'aides auprès du ministère de l'Agriculture, au titre du «régime des calamités».
La gelée noire va aussi avoir des conséquences sociales: dans les vergers, on s'apprêtait à procéder à «l'éclaircissage», une opération qui consiste, au printemps, à éliminer manuellement sur les branches une certaine proportion de fruits pour laisser les autres se développer et qui nécessite une main-d'oeuvre saisonnière.
