Le sort du barrage de Sivens (Tarn) pourrait se décider à Paris, la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal, critique à l'égard du projet, ayant convoqué pour mardi une première réunion destinée à « trouver des solutions ».
« Le moment est venu de donner une suite au rapport que j'ai commandité », a déclaré dimanche la ministre, le gouvernement reprenant la main sur une affaire devenue un dossier politique brûlant après la mort d'un jeune militant écologiste lors d'affrontements entre manifestants et forces de l'ordre.
« Faire converger des points de vue fort différents »
Interrogée sur un possible arrêt du projet, Ségolène Royal a dit ne pas vouloir « se substituer » au conseil général du Tarn, maître d'ouvrage, mais elle a rappelé que « l'objectif de cette réunion est de trouver des solutions ».
Doivent se retrouver mardi à 18 heures à l'hôtel de Roquelaure les élus locaux, notamment les présidents du conseil général du Tarn et du conseil régional du Midi-Pyrénées, le préfet, et des responsables de l'agence de l'eau Adour-Garonne.
« Nous allons examiner ensemble, avec les deux experts (auteurs du rapport), les différents scenarios possibles », a expliqué Mme Royal, qui a ajouté qu'elle recevrait jeudi et vendredi les ONG environnementales et les syndicats agricoles. « J'essaierai de faire converger des points de vue fort différents », a-t-elle assuré.
Après plusieurs jours de silence du gouvernement, la ministre n'a pas ménagé dimanche ses critiques sur ce projet, qui vise à créer une retenue d'eau pour l'irrigation de terres agricoles.
Le rapport, commandité en septembre par le ministère, dit que « les solutions alternatives n'ont pas été sérieusement étudiées, que les compensations environnementales ne sont pas suffisantes et qu'il y a une incertitude au niveau du financement, car les fonds européens ne peuvent pas intervenir pour financer une extension de l'irrigation », a-t-elle rappelé.
Une affaire nationale
« Il y a eu manifestement une erreur d'appréciation » et « aujourd'hui, une décision de construction d'un tel ouvrage ne serait plus possible », a-t-elle fait valoir.
Le rapport d'expertise, qui doit servir de base de discussion, recommande de poursuivre le projet car les travaux sont trop avancés. Mais il préconise de réduire le volume d'eau destiné à l'irrigation afin de minimiser l'impact environnemental.
Vendredi, le conseil général du Tarn a entériné, sans vote, une suspension des travaux de ce barrage, qui depuis des années fait l'objet de recours juridiques contre son coût financier et environnemental. La durée de la suspension n'a pas été discutée.
« On demande à l'État de prendre aussi ses responsabilités, la gestion de l'eau lui incombe ! C'est un débat qui nous dépasse, qui est devenu une affaire nationale », a déclaré Didier Houlès, vice-président (DVG) du département. « Ce n'est pas un abandon », a-t-il toutefois ajouté.
« Ce projet doit aller jusqu'au bout »
Sur le site, occupé depuis un an, le chantier a été de fait suspendu après la mort de Rémi Fraisse le 26 octobre. Dimanche, plusieurs centaines de personnes sont venues s'y recueillir, plantant des arbres pour recréer la zone humide.
« Ce projet doit aller jusqu'au bout, il en va du fonctionnement normal de la démocratie », a dit sur France 3 Jacques Valax (PS), député et conseiller général, qui fera partie de la délégation, et menace de démissionner si le projet ne va pas à son terme. Un abandon « serait une nouvelle reculade du gouvernement », a-t-il ajouté, en référence au retrait de l'écotaxe.
Du côté de France Nature Environnement, le réseau d'associations dont faisait partie le militant tué, on espère l'abandon pur et simple d'un projet jugé « surdimensionné ».
« Nous sommes heureux d'être reçus nous aussi vendredi, et nous espérons toujours être reçus par le président de la République et le Premier ministre, car cette affaire dépasse le seul périmètre de l'Ecologie », a dit le porte-parole de FNE, Benoît Hartmann.
Pour la FNSEA, qui indique ne pas avoir été contactée encore par le ministère, « cette retenue d'eau, il faut la faire ».
« Nous sommes prêts à discuter des modalités techniques car les experts disent qu'il y a quelques manquements, mais en aucun cas de sa nécessité », a dit Dominique Barrau, secrétaire général du syndicat.
Le député Henri Guaino (UMP) a jugé lundi qu'un arrêt révèlerait « un très sérieux problème d'autorité de l'Etat ».
Ce weekend, plusieurs manifestations ont eu lieu en mémoire de Rémi Fraisse, certaines émaillées de violences. Quatre manifestants interpelés à Toulouse devaient être jugés lundi.