La Bourse aux céréales de Buenos Aires estime la prochaine sole de blé argentine à 3,2 millions d'hectares (Mha). Il s'agirait d'un deuxième recul consécutif de 20% par rapport à la surface emblavée en 2007. Une contre-performance notable pour le «grenier du monde», où jamais depuis 1900 l'on n'aurait semé si peu de blé.
En temps normal, l'Argentine produit sur 6 Mha quelque 14 millions de tonnes de blé, dont la moitié est exportée, surtout au Brésil, mais aussi en Afrique du Nord. «Notre blé est peu cher et arrive sur les marchés de l'hémisphère Nord à contre-saison», indique l'expert David Hughes.
Mais depuis février dernier et jusqu'en novembre, le gouvernement argentin a suspendu les exportations de la céréale. La sécheresse historique de 2008 a en effet laissé un excédent minimal.
Déjà, les producteurs savent qu'il n'y aura pas d'exportations significatives en 2010. Le prix de leur blé sera bas, car formé uniquement par la demande de la meunerie locale. Même d'après les projections optimistes du ministère américain de l'Agriculture (USDA), qui prévoit une moisson de blé argentine de 11 Mt disponible en décembre, le solde théoriquement exportable du pays sud-américain serait de 5 Mt.
Trop peu pour que le gouvernement argentin, qui taxe et contrôle les exportations de blé depuis trois ans, autorise des embarquements fluides. Et ces ventes hypothétiques seraient de toute façon taxées de 23%.
«Parmi les quatre principales cultures du pays (soja, maïs, tournesol et blé), le blé est celle dont la rentabilité est la plus soumise au facteur politique, précise l'analyste Sebastián Gavaldá. Or, le blé doit être semé avant les élections législatives du 28 juin, sur lesquelles comptent les céréaliers pour mettre fin aux politiques défavorables au secteur. L'incertitude retarde la négociation des contrats de fermage. Résultat: les agriculteurs risquent de disposer des terres après la date de semis optimale pour le blé.»
Ni le climat, ni le marché n'incitent à cultiver du blé. Ceux qui en sèment le font pour respecter un assolement minimal sur leur propriété. Tel est le cas d'Alejandro Carafi, qui a exploité l'an dernier 1.200 ha de blé en double culture avec du soja.
«Cette année, dit-il, je réduis mes surfaces en blé sur mes terres et passerai directement au soja sur celles que je loue.»
Avec des loyers élevés et une grande incertitude au niveau du climat et du marché, les agriculteurs assument difficilement le coût financier de la double culture.
En Argentine, entre 50 et 65% des terres sont exploitées indirectement et les baux sont généralement renouvelés tous les ans.
Un déficit hydrique préoccupant La sécheresse sévit toujours au sud de la province de Buenos Aires, principal bassin céréalier du pays. Le déficit hydrique des sols est si important que même les pluies habituelles de l'hiver austral ne parviendront pas à le compenser. Au nord de Buenos Aires, à Córdoba et à Santa Fe, les normales saisonnières laissent peu d'espoir, tandis que les semis doivent être réalisés ces jours-ci. |