Vingt-deux ans après la faillite du négociant en céréales Albert Bach, les 1.300 créanciers – dont de nombreux agriculteurs – devraient être indemnisés.
La responsabilité des banques pour soutien abusif du groupe Bach, alors même que sa situation financière était compromise, a fait l'objet d'un long feuilleton judiciaire. En juillet 2000, la cour d'appel de Dijon avait confirmé l'implication d'un pool bancaire dans le soutien artificiel à la société. Celle-ci avait un fonds de roulement très gravement négatif et des ratios communément admis en matière d'endettement bancaire dépassés dans des proportions extravagantes. Les banques, en continuant à prodiguer du crédit, ont contribué à l'aggravation du passif alors que Bach ne possédait quasi pas de fonds propres. La direction du groupe, condamnée à de la prison ferme, se livrait à de multiples falsifications et dissimulations, notamment par l'établissement de faux bilans. Le groupe développait une politique ruineuse d'avances sur récolte et de crédits pour l'achat de semences et de produits phytosanitaires.
Les banques ont fait appel plusieurs fois de la décision de justice de 2000 et ont formé trois pourvois en cassation. Les discussions ont porté sur la date à partir de laquelle les banques avaient eu connaissance de la situation financière irrémédiablement compromise du négociant, à l'époque second organisme stockeur privé français. De la détermination de ces dates, 1987 ou 1991, dépendait l'implication d'un nombre plus ou moins important de banques, une dizaine au total. Les établissements bancaires contestaient aussi que la condamnation indemnitaire de 49 millions d'euros, prononcée à leur encontre, soit assortie d'intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 1994.
Le 22 janvier 2013, la Cour de cassation a rejeté le troisième pourvoi des banques, mettant un terme à la procédure. Elle a validé l'arrêt de la cour d'appel de juin 2011 reconnaissant la responsabilité des banques dès 1987, avec, pour corollaire, le paiement de l'insuffisance d'actif du groupe Bach majoré des intérêts. « Nous avons obtenu un résultat extraordinaire », estime Maître Anne Covillard, avocate du mandataire judiciaire Maître Philippe Maître.
L'association des créanciers agriculteurs, regroupant 120 adhérents, estime à 3,5 millions d'euros (hors intérêts), les créances dues aux céréaliers. « Le préjudice sera réparé lorsque les céréaliers seront indemnisés. Il est fondamental que nos créances soient considérées à égalité à celles des banques, également créancières », revendique Claude Girard, président de l'association. « La crainte des céréaliers de n'être pas remboursés n'est plus justifiée aujourd'hui », souligne Maître Anne Covillard.