Malgré le ralentissement de son économie, la Chine continue d'avoir faim de carburant et de viande, et devrait donc maintenir les importations de maïs et de soja qui servent à les fabriquer, malgré d'importants surplus.
Depuis l'été, l'essoufflement de la croissance chinoise a nourri le mouvement de baisse des prix sur les marchés agricoles, déjà plombés par d'abondantes récoltes. Le géant asiatique est le premier importateur mondial de soja, le deuxième de colza et d'huiles végétales, et pèse aussi lourdement sur les marchés des céréales et de la viande.
Mais pour les exportateurs, les perspectives ne sont pas si catastrophiques, au vu des chiffres officiels : la Chine prévoit d'augmenter de 20 % ses achats à l'étranger d'ici à cinq ans, à plus de 90 millions de tonnes, selon le Centre national d'information sur les céréales et les huiles (CNGOIC).
La petite graine noire, importée du Brésil et des Etats-Unis, sert à fabriquer de l'huile alimentaire et surtout de la nourriture pour les élevages de porc, que les Chinois consomment de plus en plus à mesure que leur niveau de vie s'élève. « La consommation d'huile végétale est en permanence au-dessus de la capacité de production. Et le gouvernement subventionne les élevages porcins, qui sont gérés de manière militaire », a expliqué un expert des matières premières lors du salon Global Grains à Genève (Suisse) qui réunissait jusqu'à jeudi les professionnels et où la presse peut assister aux échanges.
« La seule raison pour laquelle le gouvernement chinois pourrait perdre son contrôle sur la population serait qu'il se montre incapable de nourrir une population habituée à un meilleur régime alimentaire », d'où l'enjeu stratégique des produits agricoles de base, estime-t-il. Les usines de transformation, installées près des côtes où arrivent les cargos du continent américain, ont accru leurs capacités ces dernières années.
Le maïs chinois plus cher
Le maïs, utilisé pour l'alimentation du bétail et la fabrication d'éthanol, reste lui aussi prisé par la Chine. « La Chine a des problèmes de pollution, elle va miser sur l'éthanol », produit à base de maïs, estime un expert des matières premières à Genève. « Mais elle devra probablement en acheter beaucoup avant d'être capable d'avoir sa propre production » de biocarburant, assurant ainsi un débouché aux exportations de maïs américain et ukrainien.
« Les importations de maïs ne vont pas beaucoup bouger. Elles baisseront peut-être de 4-5 millions (de tonnes) par an, mais ce n'est rien comparé aux besoins, qui sont d'environ 180 millions de tonnes », explique un officiel chinois sous couvert d'anonymat.
Pourtant, la Chine nage en plein paradoxe, car elle produit elle-même du maïs à la pelle. Jusqu'à se retrouver avec d'énormes surplus : 100 millions de tonnes en trop se sont accumulées ces trois dernières années, selon le CNGOIC. Et pour cause : le gouvernement subventionne lourdement la production de maïs chinoise. Un moyen de soutenir les revenus des paysans, qui n'ont pas le droit de cultiver plus 1,5 hectare de terres chacun.
En conséquence, le maïs produit localement et subventionné « a un prix bien plus élevé que le cours mondial », explique l'officiel chinois. Les industriels, fabricants d'éthanol ou d'aliments pour cochons, le délaissent donc au profit du maïs étranger. La Chine est donc forcée d'importer du maïs. Le phénomène accroît aussi les besoins en soja, que les agriculteurs locaux cultivent de moins en moins, car il leur rapporte moins d'argent que les épis dorés.
Pour sortir de cette situation ubuesque, le gouvernement « est en train de revoir à la baisse ses subventions » sur le maïs, promet l'officiel chinois. La Chine cherche aussi ces dernières années à encourager le développement d'exploitations plus larges.
Mais à terme, si les subventions sont modifiées, « moins de maïs sera produit. Il y aura donc toujours beaucoup d'importations de maïs et d'orge », également utilisée pour nourrir le bétail, prévoit un consultant en négoce agricole.