Le bilan des réductions d’émissions de carbone permises jusqu’à présent par les projets agricoles « montre que les réductions d’émissions permises par le biais de la compensation carbone sont plus de mille fois inférieures aux émissions et au potentiel d’atténuation », expose une étude de CDC Climat, la filiale de la Caisse des dépôts en charge de la lutte contre le changement climatique.
Ainsi, selon l'étude diffusée mardi, les projets agricoles auraient permis d’éviter l’émission de 14 millions de tonnes d’équivalent-CO2 (Mt CO2e) en 2010, « soit 7 % des réductions engendrées par l’ensemble des projets de compensation carbone, tous secteurs confondus cette même année », précise le rapport de CDC climat.
Cette réduction de 14 Mt CO2e représente « deux à quatre fois moins que la part de l’agriculture dans les émissions globales », estime CDC Climat (14 % des émissions globales, 30 % en tenant compte des filières d'amont et d'aval de l'agriculture). « C’est bien peu en comparaison des multiples techniques d’atténuation pouvant être mises en place dans ce secteur » pour diminuer l'impact de l'agriculture sur le réchauffement climatique, regrette la la filiale de la Caisse des dépôts.
Les projets de compensation carbone en agriculture se limitent en pratique aujourd'hui à trois technologies, indique CDC Climat :
- les bioénergies, issues essentiellement de résidus de récolte ;
- la méthanisation des effluents d’élevage ;
- et la séquestration dans le sol par le non-labour.
L'étude couvre l’essentiel de ces projets certifiés par des labels de qualité (Mécanisme pour un développement propre et mise en œuvre conjointe, pour ceux établis par le protocole de Kyoto ; Verified Carbon Standard, Climate Action Reserve, Gold Standard, Chicago Climate Exchange et American Carbon Registry pour les labels du marché volontaire).
La nature diffuse des émissions agricoles, le degré de précision en termes de suivi exigé par la plupart des labels de compensation carbone, ainsi que le coût des mesures de réduction, « sont les principaux freins au développement de projets agricoles » visant la réduction des émissions de CO2 d'origine agricole, analyse l'étude.
Pourtant d’après elle, en trente ans le potentiel d’atténuation du secteur agricole est du même ordre de grandeur que ses émissions.
Il faudrait une « incitation économique », fait valoir CDC Climat : « En rémunérant les émissions évitées, les projets de compensation carbone sont l’un des outils économiques disponibles pour réduire les émissions agricoles », assure l'étude.
Bien sûr, « la recherche sur de nouvelles techniques de mesure des émissions plus efficaces et moins coûteuses » est une voie à explorer pour CDC Climat.
Une autre approche à mettre en place pour « libérer le potentiel » de réduction des émissions agricoles consiste à prévoir des « agrégateurs regroupant plusieurs exploitations agricoles et permettant donc de mutualiser les coûts ». Le rapport détaille des exemples de porteurs de projets qui ont réussi en se concentrant sur « la réplicabilité et l’agrégation de projets » pour surmonter les difficultés : un projet cogénération de bagasse (sous-produit de la canne à sucre) en Inde en substitution de l’énergie fossile, touchant 20.000 agriculteurs, ou encore des projets de méthanisation au Mexique et d'arrêt du labour en Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada).
Cependant, le secteur agricole « est perçu comme l’un des plus difficiles à intégrer dans un système de quotas échangeables. Il risque donc de demeurer longtemps sous le régime de la compensation carbone dans de nombreux endroits », constate CDC Climat.
Le rapport envisage finalement d'autres solutions, notamment à l’échelle européenne, en intégrant la problématique des émissions de gaz à effet de serre dans la réforme de la Pac.
Une autre solution serait « d’inclure le secteur agricole dans le système européen d’échange de quotas, à l’instar du marché carbone néo-zélandais », prédit l'étude.