Sortie de crise, compétitivité, pérennité des entreprises, ou encore rééquilibrage des rapports de force entre les coopératives et les structures privées du secteur agroalimentaire... Ce sont quelques-uns des arguments avancés jeudi par les intervenants à une table ronde sur les stratégies d'alliances pour les groupes coopératifs, aussi bien à l'international que sur un plan local, organisée dans le contexte d'un business forum – Essec, Coop de France, Eurogroup Consulting.
Peu de temps avant cette table ronde, ces trois partenaires présentaient leur étude sur les « stratégies d'alliances et de développement international des groupes coopératifs français du secteur agroalimentaire ».
Pour eux, le statut coopératif serait un moteur pour la sortie de crise. Selon l'étude, « les valeurs économiques des groupes coopératifs, fondées sur la pérennité, la solidarité et la stabilité, constituent des atouts majeurs pour l'agroalimentaire français », alors que « les évolutions des marchés et de l'environnement réglementaire entraîneront dans les prochaines années d'importants mouvements de restructuration ».
Se regrouper pour sortir de la crise et peser sur le marché international
Si ces mouvements sont déjà bien entamés dans l'Hexagone, avec des rapprochements par exemple entre la coopérative laitière Sodiaal et l'industriel Bongrain sur le segment des fromages à pâte molle, ou encore Maïsadour avec Delpeyrat sur les segments du Jambon de Bayonne et du foie gras, « la situation de certaines filières françaises, comparée à celle de leurs voisins européens, offre un potentiel d'alliance important d'abord entre coopératives, mais aussi avec des entreprises agroalimentaires non coopératives », souligne l'étude.
Il faut « poursuivre et accélérer le mouvement de concentration et d'alliances », notamment dans certaines filières, comme le lait, la viande, la collecte des céréales, l'alimentation animale ou encore le vin, sans oublier de « réussir le tournant de l'international », insiste cette étude. « L'enjeu de la taille », c'est « d'abord celui de la part de marché pour peser face aux acheteurs souvent très concentrés » comme dans la grande distribution ou le négoce, mais c'est aussi la possibilité d'investir dans l'innovation et le développement de marques, capables d'appuyer les levées de fonds et d'attirer des partenaires, conclut-elle.
Créer de la valeur ajoutée pour l'agroalimentaire
Après avoir analysé « le Top 20 (1) des coopératives françaises et leurs partenaires non coopératifs (industriels, financiers...), ainsi que le Top 10 des coopératives européennes », parmi lesquelles une seule française, l'Union In Vivo (en septième position), les partenaires de cette étude croient « qu'une vision de synthèse multi-filières apportera par la diversité des exemples et des points de vue une valeur ajoutée au secteur agroalimentaire ».
Dans ce contexte de concentration et d'alliances, quelles stratégies de gouvernance ces nouveaux partenariats entre coopératives ou groupes coopératifs-privés devront-ils adopter ?
Si Champagne Céréales a choisi le principe de l'actionnariat majoritaire pour gouverner Siclaé, une filiale commune de recherche avec d'autres coopératives régionales, en revanche Sodiaal et Bongrain ont opté pour une alliance 50-50. « Nous on préfère être majoritaire, tempère Robert Brzusczak, vice-PDG délégué de Bongrain SA. » Mais il « vaut mieux une alliance à 50 % que pas d'alliance du tout », précise son partenaire dans la structure CFR, Gérard Budin, président de Sodiaal International. « Si le projet est bien déterminé, ça peut fonctionner à 50-50, et dans l'actionnariat majoritaire, le minoritaire a aussi son mot à dire », tranche Hubert Garraud, président de Terrena. Car tant que « la finalité – du partenariat, NDLR – est établie, la prise de risque est partagée ! »
Que pensent les agriculteurs adhérents des groupes coopératifs des projets d'alliances, en cours ou futurs ? Selon les résultats de ce sondage, 70 % des agriculteurs estiment que les regroupements en cours de coopératives ou négoces ne leur apporteront aucun bénéfice. René Mauget, professeur à l'Essec Business School, qui a animé la table ronde lors du forum Essec, Coop de France, Eurogroup Consulting, réagissait au sondage en indiquant que « bien souvent on ne voit pas les résultats immédiats et apparents, surtout les agriculteurs, et même au sein des entreprises (…) Mais dans tous les cas il faut se poser la question : "Si on ne l'avait pas fait, qu'est-ce qui ce serait passé ?" Et pour convaincre de l'utilité de ces choix, il faudrait plus communiquer ». |
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(1) Top 20 des coopératives françaises (dans l'ordre de leur chiffre d'affaires 2009, source : Périmètre-Coop de France) : InVivo, Sodiaal, Terrena, Tereos, Axéréal, Champagne céréales, Triskalia, Agrial, Cooperl Arc Atlantique, Groupe Even, Cecab, Euralis, Limagrain, Cristal Union, Maïsadour, Maitres laitiers du Cotentin, Uneal, Scael, Glac, et Alliance Agro Alimentaire 3A.
A télécharger :
• Quelles stratégies d'alliances et quel développement international pour les groupes coopératifs ?