Le vin rosé français va pouvoir bénéficier d'un étiquetage spécifique de «vin traditionnel» pour le distinguer des produits issus de simples mélanges de rouge et de blanc, a annoncé le 24 mars la Commission européenne, qui espère ainsi clore une polémique sur le sujet.
Des experts des 27 pays de l'Union européenne ont adopté une décision en ce sens lors d'une réunion mardi, concernant une réforme plus large de l'étiquetage et des appellations des vins dans l'Union européenne, a souligné un porte-parole de l'exécutif européen.
Il s'agit à ce stade d'un vote préliminaire, qui devra encore être confirmé par un vote définitif en principe le 27 avril, après avis de l'OMC.
Les producteurs de vin rosé français, ceux de Provence surtout, protestaient contre un projet européen prévoyant d'autoriser dans l'UE la fabrication de vin de table rosé simplement en mélangeant du vin rouge et du vin blanc, pratique déjà utilisée par les principaux concurrents de l'Europe dans le monde, en Australie ou en Afrique-du-Sud.
Pour tenter de régler le problème, les représentants des pays de l'UE ont décidé que les producteurs français pourraient utiliser l'étiquetage «rosé traditionnel» sur leur bouteille pour les mettre en valeur par rapport aux rosés par coupage, ou qu'ils pourraient remplacer cette expression par «une autre mention valorisante».
Concrètement, l'une des pistes envisagées du côté français serait de pouvoir in fine autoriser une étiquette du type «rosé véritable».
La France pourra rendre par ailleurs obligatoire l'inscription de la mention «rosé par coupage» pour les vins issus de mélange, mais seulement pour les produits fabriqués en France.
Pour parvenir à ses fins, Paris devrait toutefois obtenir l'autorisation de la Commission européenne qui entend veiller à ce qu'il n'y ait pas de dérive protectionniste ou de discrimination.
Les rosés coupés fabriqués en Espagne ou dans les pays du Nouveau Monde (Australie, Afrique-du-Sud, etc.) par exemple ne seraient pas concernés.
Selon une source française proche des négociations, les discussions vont se poursuivre avec les professionnels concernés sur la mise en valeur de leurs produits.
«Je souhaite qu'on dise la vérité aux consommateurs. Et la vérité est qu'un vrai vin traditionnel rosé n'est pas la même chose qu'un vin rosé issu d'un coupage, tels que ceux faits par nos concurrents hors d'Europe», a estimé lundi Michel Barnier, «je n'accepterai pas qu'on décourage le travail de qualité.»
La commissaire européenne à l'Agriculture Mariann Fischer Boel a défendu de son côté le projet d'autoriser le coupage pour le rosé de table. «Je ne vois pas pourquoi nos producteurs européens ne bénéficieraient pas des mêmes possibilités que leurs concurrents étrangers», a-t-elle dit.
Une vision que partagent les négociants en vin européens, réunis au sein du CEEV, et qui militent depuis octobre 2008 pour qu'elle soit adoptée par les pays membres.
Louis-Regis Affre, délégué général de l'AGEV, l'Association générale des entreprises vinicoles (le négoce français), souhaite que «différentes méthodes d'élaboration (du rosé) puissent coexister dans l'Union», tout en supportant l'idée d'un étiquetage distinct.
Mais il serait dommageable, selon lui, que la viticulture française se prive d'une pratique reconnue à l'international par l'OIV, et qui répond, qui plus est, aux goûts des consommateurs des pays tiers.
Et il souligne que les restrictions qui existaient au niveau européen, outre certaines contraintes nationales pour les vins de qualité produits dans une région donnée, «ne concernait que les vins de tables».
La raison, dit-il, était purement technique, relative à la politique d'intervention alors pratiquée par Bruxelles sur ce type de vin, «pour éviter les abus financiers dans l'UE». Ce n'était donc pas «une problématique qualitative».