Croissance mondiale modérée, refus de réduire la production en Arabie Saoudite, stocks au plus haut et surtout développement du gaz de schiste aux Etats-Unis sont autant de facteurs qui devraient maintenir le prix du pétrole autour de 60 dollars/baril pendant les deux prochaines années.
« Longtemps, l'Arabie Saoudite et ses partenaires de l'Opep ont fait la loi sur le marché du pétrole, constate Francis Duseux, le président de l'Ufip (Union française des industries pétrolières). Mais cette époque est révolue. Ce sont désormais les Etats-Unis qui jouent le rôle de régulateur du prix du brut. » Selon cet ancien dirigeant d'Esso, le développement de l'exploitation du gaz de schiste au pays de l'Oncle Sam a été fulgurant et l'arrivée massive de ce pétrole non conventionnel sur le marché a surpris tout le monde. C'est le facteur principal dans la chute du prix du brut, passé de 114,55 dollars le baril le 20 juin 2014 à 45,13 dollars le baril le 13 janvier 2015.
Le second facteur est l'attitude de l'Arabie Saoudite qui refuse de diminuer sa production pour remonter le prix, mettant ainsi en difficulté économique ses partenaires de l'Opep. Conséquence logique, avec une croissance mondiale modérée, l'excès de capacité de production est à son plus haut niveau depuis une dizaine d'années. En 2014, la demande n'a augmenté que de 0,7 % tandis que la capacité de production, qui comprend la production réelle et la capacité résiduelle de l'Opep, a grimpé de 1,9 %. « On considère qu'il y a une surproduction de 2 millions de barils par jour », s'inquiéte Francis Duseux. Heureusement, les Etats-Unis viennent d'arrêter 40 % de leur production de gaz de schiste, qui réduit l'excédent de 1 million de barils par jour. « Mais il ne faut pas croire que l'industrie du gaz de schiste est à genoux, averti Francis Duseux. En cumulant recherche technologique et pression sur les industries parapétrolières, le seuil de rentabilité du gaz de schiste américain n'est plus à 80 dollars le baril et tend à se rapprocher de 60-70 dollars. De plus, ce sont surtout des petites structures qui ont cessé leurs forages. Les géants de la filière sont toujours actifs. »
Mais le facteur qui inquiète le plus l'Ufip et les industries pétrolières du monde entier est le niveau des stocks en Amérique du Nord. Les seuls Etats-Unis possèdent un stock de 45 millions de barils, ce qui représente plus de 200 supertankers VLCC. Cette réserve dite « stratégique » est à son plus haut niveau historique. « Même avec la reprise de l'économie américaine, les frémissements en Chine et les perspectives en Afrique, il y aura bien un moment où tous les supertankers et -cuves seront pleines et le pétrole excédentaire se retrouvera sur le marché », prévoit Francis Duseux. Dans ces conditions, le prix du baril devrait osciller autour de 55 dollars au cours des deux prochaines années ».