Le trafic de viande chevaline impropre à la consommation concernerait au moins 3.000 chevaux, selon le procureur de Marseille. Son collègue de Charleville fait état d'une quinzaine de plaintes déposées « un peu partout » en France.
« On estime à 3.000 le nombre de chevaux exportés par la filière mise en cause », a déclaré à l'AFP le procureur Brice Robin, précisant qu'une information judiciaire avait été ouverte à la fin de juin par le pôle santé de Marseille, qui couvre les Régions Paca, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes. « C'est une filière avec la Belgique », a-t-il précisé, ajoutant que « les chevaux proviennent apparemment des Pays-Bas, de la Belgique, de la France, de l'Espagne ». « Il y a des irrégularités qui ont été constatées », notamment « sur les documents d'identification des chevaux qui étaient présentés à l'abattoir », a ajouté le procureur. « La traçabilité a été volontairement occultée, puisque souvent les chevaux possèdent deux identités différentes », a-t-il indiqué. Selon une source proche de l'enquête, il s'agit de chevaux de toutes catégories (de trait, de sport, de course...), jugés impropres à la consommation.
Selon des syndicats agricoles, « un réseau mafieux belge » aurait acheté des chevaux à des centres équestres ou des particuliers, promettant une retraite paisible à ces animaux. Ils auraient ensuite falsifié leurs carnets de santé et tenté de les faire abattre pour les écouler dans l'alimentation humaine, alors que beaucoup de chevaux de loisir ont reçu un traitement médicamenteux qui les rend impropres à la consommation, rapportent la Coordination rurale et la Fédération nationale des éleveurs professionnels d'équidés (FNEPE). Les abattoirs de Pézenas (Hérault) et d'Alès (Gard) seraient concernés, selon le procureur Robin.
Son homologue de Charleville-Mézières, Daniel Bouriaud, où une enquête a également été ouverte, cite également les abattoirs de Valenciennes (Nord), Laon (Aisne) et Narbonne (Aude). Toutefois, le procureur de Narbonne, interrogé par l'AFP, précise qu'« aucune enquête n'est diligentée concernant les abattoirs » de sa ville.
Une quinzaine de plaintes « un peu partout » en France
Outre un transporteur de Carigan (Ardennes), « des transporteurs belges sont également mis en cause ainsi qu'un certain nombre de vétérinaires belges ou français qui auraient falsifié les carnets de santé des chevaux », a ajouté le procureur de Charleville auprès de l'AFP. Selon lui, une quinzaine de plaintes a été recensée « un peu partout » en France.
Le ministre de l'Agriculture, Stéphane le Foll, a assuré que les autorités mettraient « tout en œuvre » pour « démanteler le réseau qui est, semble-t-il, à l'origine de ce trafic ». Et il a voulu rassurer, écartant en l'état des problèmes sanitaires « graves ». « Si, à un moment ou à un autre, il y a des problèmes graves, on le dira et on traitera cette question. Aujourd'hui ce n'est pas le cas », a-t-il dit.
Par ailleurs, la Fédération nationale des exploitants d'abattoirs prestataires de service (FNEAP) assure n'avoir rien à voir dans cette possible fraude. Au contraire, selon elle, ce sont ses adhérents qui auraient découvert le pot-aux-roses. « On avait des doutes sur certains documents » au moment des procédures de déchargement et de contrôles d'identification des animaux, a expliqué à l'AFP André Eloi, directeur général de la FNEAP. « Nos abattoirs ont bien fait leur boulot », a-t-il ajouté, en insistant sur le fait que ces abattoirs sont uniquement prestataires de service, c'est-à-dire qu'ils abattent pour le compte de clients et ne font pas de commerce de la viande.
La filière de la viande, déjà éprouvée par la fraude de la viande de cheval vendue comme du bœuf en février, craint que cette nouvelle affaire ne jette encore une fois le doute sur ses pratiques. Les producteurs de viande de cheval tiennent à rappeler que « la viande équine française est de grande qualité » et que les éleveurs ne sont « ni responsables, ni impliqués », a affirmé à l'AFP Jacques Largeron, président de la FNEPE.
Près de 17.000 équidés sont abattus chaque année en France, soit 5.000 tonnes en équivalent carcasses, selon des chiffres communiqués par l'Interprofession du bétail et des viandes (Interbev).
Les efforts conduits depuis une vingtaine d'années au moins pour garantir la traçabilité des bêtes arrivant aux abattoirs imposent notamment le port d'une puce, qui contient les informations sur la provenance des chevaux, indique la fédération hippophagique. Mais, selon le procureur de Marseille, certains animaux portaient « deux identités différentes » afin de brouiller leur identité.