Le Maroc peut exporter vers l'Europe un quota de tomates, concombres ou oranges sans droits de douane, en vertu d'un accord qui, selon ses détracteurs, profite à quelques grandes entreprises mais pénalise durement les petits producteurs installés des deux côtés de la Méditerranée.
Le Maroc et l'Union européenne ont passé, en 2000, un accord de libre-échange sur les produits agricoles. En février 2012, les députés européens ont décidé de l'élargir, en dépit des mises en garde répétées du rapporteur de ce dossier, l'écologiste français José Bové.
Depuis septembre 2012, le Maroc peut exporter 55 % de denrées sans droits de douane vers l'Europe, contre 33 % précédemment. En échange, 70 % des exportations européennes vers le Maroc seront progressivement exemptées de droits de douane en dix ans, contre 1 % jusqu'à présent.
José Bové, ancien porte-parole de la Confédération paysanne, ne décolère pas contre cet « accord pervers qui frappe l'agriculture familiale des deux côtés » : au Maroc, mais aussi en France, Espagne, Italie ou Grèce.
En Europe, les producteurs dénoncent la concurrence déloyale. Pour Angélique Delahaye, des producteurs de Légumes de France, le calcul est simple : un ouvrier agricole est payé 5 euros par jour au Maroc contre 15 euros par heure en France. De plus, les agriculteurs européens doivent respecter un certain nombre de « contraintes », sur l'eau notamment, mais pas les Marocains, s'insurge-t-elle, parlant de « dumping environnemental ».
Résultat : les prix du marché communautaire de la tomate ont atteint « un minimum historiquement bas » en novembre, avec « un fort impact social en Espagne où les principales zones de production de tomates enregistrent déjà des taux de chômage supérieurs à 35 % », selon le groupe de contact « tomate » qui réunit les producteurs français, espagnols et italiens.
Interrogée par l'AFP, la Commission européenne assure que « les prix des tomates remontent en ce moment, et les chiffres pour décembre montrent que les importations en provenance du Maroc sont un tiers plus basses qu'en décembre 2011 ».
Un accord illégal ?
Au Maroc, « ces productions utilisent les meilleures terres pour un développement à l'exportation qui pénalise les producteurs locaux et permet en retour à l'UE d'exporter massivement viande, céréales et produits laitiers vers le Royaume qui se retrouve encore plus dépendant des importations alimentaires », dénonce encore José Bové.
Cette agriculture fortement irriguée pompe aussi les ressources en eau, avec des conséquences dramatiques de salinisation, comme le reconnaît elle-même l'Agence marocaine pour le développement agricole, qui s'inquiète sur son site d'« un risque lié à la baisse des ressources hydriques » dans la plaine du Souss, principale région de production maraîchère.
Au final, cet accord « bénéficie essentiellement à trois grandes sociétés qui se retrouvent de fait en situation de monopole », selon José Bové, qui cite les entreprises Idyl et Azura, basées dans le sud de la France, et Les Domaines Agricoles (ex-Domaines Royaux), dont la société-mère, la SNI, est contrôlée majoritairement par la famille royale marocaine.
Pour « faire tomber » cet accord, la Confédération paysanne a décidé de s'en prendre à une de ces trois sociétés. Elle a lancé, au début de janvier 2013, une requête devant le tribunal de commerce de Tarascon (sud de la France) contre Idyl, qui importerait des produits du Sahara occidental, en violation, selon elle, du droit international. En s'immisçant ainsi dans des failles juridiques, la Confédération espère montrer que l'accord de libre-échange est illégal.
Sur son site internet, Idyl ne cache pas sa présence au Sahara Occidental : « A Dakhla, la lumière exceptionnelle et les températures nocturnes clémentes toute l'année donnent à nos melons de printemps et à nos tomates cocktail une saveur unique ».
Le Sahara occidental est une ancienne colonie espagnole contrôlée par le Maroc mais revendiquée par des indépendantistes sahraouis (Front Polisario).
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