Le ministre de l'Agriculture reçoit mercredi les producteurs de légumes bretons auxquels il promet des réponses « concrètes et rapides » face à l'effondrement des cours afin d'éteindre le feu qui couve dans les campagnes.
Les responsables des coopératives maraichères de Saint-Pol de Léon (Finistère), de Saint-Malo et de l'Union des coopératives de Paimpol et Tréguier (Côtes-d'Armor) sont attendus à 9h30 mercredi rue de Varenne. « On va proposer des choses pour les exploitations en difficulté. Il y aura des mesures concrètes, immédiates, rapides et à la hauteur » des enjeux, a assuré Stéphane Le Foll mardi matin sur France Inter.
Il pourra notamment s'agir de mesures d'allègement ou de report des charges, laisse entendre son entourage. Et de cibler rapidement les exploitations les plus vulnérables, quitte à faire du cas par cas. Le ministre espère aussi une nouvelle réponse « à l'échelle européenne, pour introduire l'artichaut, le brocoli et le chou-fleur dans la liste des produits à aider ».
Même si les responsables syndicaux et représentants du monde agricole de la région ont pris leurs distances lundi soir avec les manifestants de Morlaix (Finistère), qui s'étaient attaqués la semaine dernière à la perception et au siège local de la mutualité agricole, une partie des producteurs ne semble pas près de désarmer.
Une nouvelle manifestation était d'ailleurs convoquée mardi en fin d'après-midi par la Coopérative Terres de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) dans la cité corsaire, avec déversements annoncés de pommes de terre, « pour appuyer » les responsables agricoles qui se rendent à Paris. Et le patron de la FDSEA du Finistère Thierry Merret, qui avait « tiré un coup de chapeau » aux incendiaires de Morlaix, a lâché une nouvelle salve mardi dans les colonnes de Ouest-France jugeant que « oui, il fallait en arriver là » : « Plutôt que de nous condamner nous attendons de nos gouvernants un réel dialogue avec nous » ajoute-t-il.
Ce dialogue, Stéphane Le Foll affirme l'avoir gardé ouvert hors de toute contrainte ou menace, notamment depuis l'annonce de l'embargo russe au début d'août 2014 à l'encontre de l'agroalimentaire européen : conjuguée à une année d'abondance pour les fruits et légumes, des pêches nectarines aux artichauts du Léon, la sanction contribue à étouffer le marché et effondrer les cours.
« La déstabilisation des marchés a commencé », estime le ministre, qui nie cependant agir sous la pression des manifestants du Léon.
Un chèque de 23 centimes
« Je ne peux entendre qu'il faut mettre le feu pour se faire entendre », martèle-t-il, assurant que la réunion de mercredi avec les producteurs de Bretagne était prévue « depuis le 22 août » dans le cadre de la gestion des conséquences de l'embargo russe.
Jean-François Jacob, patron de la Sica de Saint-Pol de Léon (premier groupement français de producteurs de légumes), joint mardi s'est montré méfiant. « Si c'est ce qu'on a déjà connu... », a-t-il lâché. Mais Pierrick Gauvin, président de Terres de Saint-Malo a décelé chez le ministre un « message d'apaisement ». « On vérifiera demain si ce que le gouvernement a dans les tuyaux suffit à calmer » les agriculteurs, a-t-il indiqué.
Les producteurs d'artichauts et de choux-fleurs se sentent lésés dans le dispositif d'aides européennes qui a commencé à se mettre en place face à l'embargo russe : M. Gauvin assure que dans sa coopérative, les choux ne sont indemnisés qu'à hauteur de 6 à 8 centimes du kilo quand il en faudrait 45.
Pour lui, « il faut retirer du marché des quantités » de légumes en surabondance « et les indemniser » correctement.
L'Europe, a rappelé de son côté Stéphane Le Foll, a « mobilisé » le 5 septembre 250 millions d'euros en faveur des producteurs en difficulté alors que le risque d'effondrement ne menace pas seulement les maraîchers, mais aussi les producteurs de fruits et de viandes, porcines et bovines. A cette somme se sont ajoutés les 125 millions annoncés lundi par la Commission européenne en faveur des maraîchers mais aussi des producteurs d'agrumes du Sud.
Le ministre a d'ailleurs appelé M. Jacob à lui apporter mercredi « le chèque de 353,70 euros » qu'il affirme avoir reçu, soit « 23 centimes » pour chacun de ses 1.500 cultivateurs : « Chaque filière est organisée pour faire des demandes. Je n'ai pas trouvé trace de ce chèque. Nous, on donne ce que demande la filière » a-t-il fait valoir.
En attendant, la Sica de Saint-Pol de Léon a invité sur ces deniers « exceptionnels » le ministre de l'Economie Emmanuel Macron à lui rendre visite pour écouter in situ ses difficultés.