En Allemagne, la filière laitière réagit à la chute du prix du lait en présentant un nouveau débouché pour la production. En partenariat avec la Deutsche Fischerei Gesellschaft (DFG) et des motoristes allemands, l'interprofession laitière d'outre-Rhin a développé un moteur carburant au lait.
Une vraie révolution, d'autant plus que le lait à employer ne doit pas subir de transformation. L'éleveur laitier deviendrait donc autonome en carburant, sans intermédiaire. Mieux encore, le lait issu de vaches atteintes de mammites est désormais exploitable. En effet, la présence de bactéries favorise la carburation. Les essais ont montré que des taux butyreux et protéiques élevés permettent d'obtenir les meilleurs résultats. Le procédé s'appuie également sur une enzyme, la lactopéroxydase, laquelle crée des réactions énergétiques en chaîne en dégradant le lactose. Le lait standardisé, épuré de la majorité de ses germes et de ses graisses, ne convient pas.
Segmentation renforcée
Le moteur développé spécialement pour cette application est conçu à partir d'un bloc diesel classique à quatre temps. La première modification se trouve au niveau du cylindre lui-même. Au lieu des trois segments classiques, le moteur à lait dispose d'un segment intermédiaire très large pour l'étanchéité. En effet, le lait s'infiltre plus facilement que le gazole.
En revanche, les segments peuvent être réalisés dans un acier moins résistant en raison de la faible abrasion provoquée par ce nouveau carburant. L'élargissement de la surface de segmentation augmente naturellement la longévité du moteur mais il diminue un peu sa nervosité.
Après 500 heures de test, la DFG n'a constaté aucune décalamination sur les segments mais quelques traces de beurre se sont formées sur les soupapes d'échappement. Ce phénomène imprévu pourrait être corrigé en adoptant à l'avenir une configuration à six soupapes par cylindre afin de créer un effet venturi aspirant le beurre avant sa solidification.
Parmi les points positifs, les ingénieurs ont découvert que cette paraffine formée autour des soupapes limitait le mattage et augmentait leur durée de vie. Par ailleurs, l'arbre à cames subit aussi quelques modifications afin d'entrer dans la légalité. Le gouvernement fédéral allemand pourrait tolérer jusqu'à trois cames par cylindre si elles sont montées pour la consommation personnelle exclusive du moteur. Toute revente d'une came à un tiers sera bien entendu interdite.
Au niveau du circuit d'air, le lait stocké dans le tank à 4°C est aussi employé au refroidissement de l'air du turbocompresseur, selon le même principe que le récupérateur de chaleur du tank.
Moteur plus simple
L'intérêt de ce nouveau type de moteur est aussi son coût réduit puisqu'il implique l'utilisation des «anciennes» pompes rotatives ou en ligne. La rampe commune d'injection (common rail) ne peut être employée dans le cas du lait puisque la très haute pression engendre la formation d'une phase solide (dans le cas présent, du beurre). Les valves de traitement et de recirculation des gaz d'échappement ne sont plus nécessaires puisque les rejets sont essentiellement de l'eau avec quelques traces d'éthanol pour les troupeaux bavarois dont la ration TMR comprend des résidus de houblon des brasseries locales. Le prix du moteur est ainsi diminué de 20%.
Rares sont les détracteurs de cet agrocarburant: il s'agit ici d'excédents, dont le prix est selon les pays 3 à 4 fois inférieur à celui du fioul. Une chose est sûre, les producteurs n'en feront pas tout un fromage!
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