Au démarrage de leurs négociations commerciales annuelles, la grande distribution et ses fournisseurs multiplient les appels à l'apaisement, même si les déclarations de bonne intention laissent poindre une crispation réelle autour de la guerre des prix.
Comment continuer à créer de la valeur tout en contenant les tarifs ? C'est la difficile équation que distributeurs, industriels agroalimentaires et producteurs agricoles tenteront de résoudre lors de leurs discussions annuelles sur les gammes, les tarifs et les conditions de vente des produits de grande consommation pour l'année à venir.
S'étendant d'octobre à fin février, cette période est souvent source de vives tensions. Lors de conférences organisées début octobre par le magazine spécialisé LSA, toutes les parties prenantes ont appelé à l'apaisement, soulignant que la guerre des prix, qui fait rage en France depuis trois ans, compresse les marges et menace la survie de certaines entreprises.
Des codes de bonne conduite
« Aujourd'hui, nous souhaitons être volontaristes pour sortir de la spirale de destruction de valeur dans laquelle nous avons été entraînés malgré nous », a souligné Vincent Mignot, directeur France d'Auchan. La guerre des prix « ne crée aucun pouvoir d'achat. (...) Elle fragilise l'emploi et se termine sur des ruines (...). Il faut savoir où s'arrêter et, surtout, quand s'arrêter », a renchéri le patron de Carrefour, Georges Plassat, samedi dans le Figaro.
Aujourd'hui, « on a besoin que nos relations s'améliorent », a estimé Jean-Philippe Girard, président de l'Ania, représentant des industriels. Même Michel-Edouard Leclerc, chantre des prix bas, est sur la même longueur d'onde. « La priorité dans ces négociations sera de préserver les hommes et la qualité de la relation. Il n'y aura pas un mot de travers, du moins je l'espère », a-t-il déclaré.
Premiers signes d'ouverture : des codes de bonnes conduites ont été signés entre les fédérations de PME (Feef, Coop de France) et la FCD (représentante de la grande distribution). L'Ilec (marques nationales) appelle à la concertation. Et plusieurs enseignes comme Système U ou Lidl communiquent davantage sur l'origine, la qualité des produits, pour sortir du seul discours du prix.
« Partenariat de long terme »
Cependant, la tension reste réelle. Thierry Cotillard, patron d'Intermarché, évoque ainsi des relations « compliquées avec les syndicats qui représentent les grandes marques et qui ont la particularité, en France, de détester leurs clients » (la grande distribution, ndlr). M. Girard (Ania) est bien disposé pour « un partenariat de long terme », sans pour autant être prêt à « signer un chèque en blanc », demandant d'abord à voir comment vont se passer les négociations 2016.
Car, à côté des bonnes intentions pour mettre davantage en avant le produit et les innovations et « créer de la valeur ajoutée pour tous », le prix reste au cœur de tous les discours. Dans un contexte concurrentiel où le pouvoir d'achat est contraint, c'est un élément sur lequel personne ne peut faire l'impasse. Quitte à alimenter les tensions.
Si chacun s'accorde à dire qu'on a peut-être atteint un point bas sur les étiquettes fixes, ce sont désormais les promotions qui focalisent l'attention. « Aujourd'hui, on est arrivé à une espèce de paix armée » sur les tarifs de l'offre permanente en rayon. « Mais je crains qu'à la guerre des prix ne succède une guerre des promos. Le court-termisme risque de l'emporter encore en 2016 », a estimé Pascal Avignon, directeur général du panéliste Kantar.
L'Etat, attendu ou rejeté
Par ailleurs, la volonté affichée de l'Etat de s'impliquer dans les négociations - le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, vient d'annoncer une mission d'évaluation des négociations - pourrait alimenter les antagonismes.
Si certains, comme Richard Panquiault (Ilec) ont salué ce renforcement des contrôles et des sanctions en cas de dérive, d'autres, comme Michel-Edouard Leclerc, contestent violemment cette émergence de « négociations à trois », avec le gouvernement comme troisième intervenant. « Je suis très pessimiste, non pas tant du fait de la relation entre industriels et distributeurs, qui a plutôt tendance à s'améliorer même si on se tacle parfois, mais plutôt à cause de la présence de ce tiers qui va venir pourrir la négociation », a-t-il déclaré.
La guerre des prix est terminée.
mercredi 14 octobre 2015 - 20h32
Des codes de bonne conduite uniquement entre grandes distributions et transformateurs sans les producteurs. Michel Edouard LECLERC conteste violemment cette émergence de négociations à trois. A trois mais toujours sans les producteurs, ces négociations se feraient grandes distributions, transformateurs et état. Trouvez vous normal un tel comportement? Suite à ces réunions les producteurs dans la durée n'obtiendront rien comme prix rémunérateur. Au mieux par crainte de représailles, ces négociations avec l'état, vont peut être amener ces Messieurs à concéder momentanément quelques miettes aux producteurs, afin d'acheter la paix sociale. Nous représentons encore une force, mais nous n'avons pas de tètes capables de nous diriger au mieux des intérêts de tous. Il n'est pas normal d'accepter que les producteurs continuent à disparaître progressivement en silence.