La grande distribution et le gouvernement sont finalement parvenus jeudi à un accord sur une série « d'engagements volontaires », visant à renforcer les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire, mettant fin à dix jours de polémiques entre la ministre et les enseignes.
Ces mesures comprennent notamment l'obligation pour la grande distribution de favoriser au maximum les dons aux associations - qui seront généralisés à toutes les surfaces alimentaires supérieures à 400 m2 - et la valorisation des déchets. Par ailleurs, « sans préjudice des règles relatives à la sécurité sanitaire des aliments », les distributeurs promettent de « ne pas rendre délibérément les invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation ». Enfin, les dates limites d'utilisation optimale (DLUO) seront immédiatement supprimées sur certains produits d'épicerie (vinaigre, sucre...) à marque de distributeur.
La plupart de ces mesures étaient contenues dans le projet de loi sur la transition énergétique de Ségolène Royal, mais avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour des questions de procédure.
Une grande partie de ces dispositions sont déjà appliquées par les grandes enseignes, notamment celle concernant les dons aux associations. Selon la Fédération des Banques Alimentaires (FFBA), la grande distribution a contribué à hauteur de 35 % aux dons reçus l'an dernier, faisant d'elle le premier donateur alimentaire. Plusieurs distributeurs (Auchan, Casino, Carrefour) avaient d'ailleurs annoncé, dès mercredi, qu'ils signeraient les engagements demandés par la ministre.
L'Etat a également pris un certain nombre d'engagements pour notamment mettre en place rapidement un groupe de travail devant réfléchir à l'allongement des dates limites de consommation sur les produits frais.
Le soutien financier aux associations sera mis en œuvre lors d'une réunion ultérieure avec les acteurs concernés, a par ailleurs indiqué Ségolène Royal. La ministre a également annoncé que la restauration collective hors domicile serait elle aussi enjointe de lutter plus activement contre le gaspillage.
20 à 30 kilos par Français
Selon le rapport Garot remis en avril, chaque Français jette en moyenne 20 à 30 kilos de nourriture par an, soit 12 à 20 milliards d'euros chaque année. La grande distribution n'est toutefois responsable directement que de 5 à 10 % du gaspillage alimentaire, contre 15 % pour la restauration et 70 % pour les ménages.
A la sortie de la réunion du 27 août, ministre comme représentants de la grande distribution semblaient satisfaits. « On est passés d'une ambiance assez tendue à une convergence. Les enseignes ont compris qu'elles avaient intérêt à s'engager de manière volontaire et elles l'ont fait avec un bon esprit », a affirmé Ségolène Royal.
Pour le président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Jacques Creyssel, « c'est une démarche positive qui permet de ne pas passer par la loi. (...) Les débats ont par ailleurs permis de mettre en lumière les actions déjà mises en œuvre par la grande distribution», a-t-il souligné.
La signature de cette convention devrait permettre d'apaiser les polémiques déclenchées depuis une dizaine de jours autour de la question du gaspillage alimentaire.
« Coup de communication »
Ségolène Royal avait notamment accusé la grande distribution de détruire ses stocks d'invendus en les javellisant, les rendant ainsi responsables de gaspillage alimentaire, et indiquant vouloir leur « mettre la pression » pour qu'ils cessent ces pratiques.
Ces propos avaient fait bondir les patrons de Leclerc et de Système U, qui avaient dénoncé ce qu'ils jugeaient être un « coup de communication » de la ministre pour « faire sa rentrée sur le dos de la grande distribution ».
Si cet accord devrait permettre d'apaiser un peu les tensions, il ne règlera pourtant en rien le fond du problème, a estimé Arash Derambarsh, élu divers droite de Courbevoie, à l'origine, avec le député Les Républicains Frédéric Lefebvre, du dépôt d'un nouveau projet de loi anti-gaspillage. « Ce que fait Ségolène Royal n'est qu'un écran de fumée » et « seule la loi » peut contraindre les distributeurs à changer leurs pratiques, estime cet élu. « Deux tiers des grandes surfaces en France sont des franchisés, donc même si les grands patrons prennent des engagements, dans les faits ce sont les directeurs de magasins qui ont la main » et rien ne dit que cela sera respecté, a-t-il expliqué.
Pour Jacques Baillet, président de la FFBA, cette réunion est « une première étape » qui « va dans le bon sens » mais elle ne suffit pas. « Il faut qu'elle soit suivie de concertations avec les associations » et d'engagements de l'État sur le maintien des subventions et des soutiens aux dons, ont renchéri les Restos du Cœur.