Le tribunal correctionnel de Carcassonne, qui jugeait mercredi cinq anti-OGM, dont José Bové, pour une action en 2006 dans l'Aude contre le semencier Monsanto, s'est finalement retrouvé avec 30 prévenus, 25 autres militants ayant obtenu de s'asseoir sur le banc des prévenus.
Le procureur de la République, Francis Battut, a requis une amende de 3.000 euros, «dont une grande partie avec sursis», pour chacun des prévenus, et le tribunal a mis sa décision en délibéré au 17 septembre.
José Bové et quatre autres anti-OGM étaient poursuivis pour entrave à l'exercice de la liberté du travail chez Monsanto à Trèbes (Aude), près de Carcassonne, le 13 avril 2006. Ce jour-là, une centaine de membres de la Confédération paysanne, des Faucheurs volontaires et de Greenpeace avaient pénétré dans l'usine, en forçant des portes ou escaladant des grillages pour entrer dans les hangars et y rechercher des semences transgéniques.
Vingt-cinq personnes ayant participé à l'opération se sont présentées dans la salle d'audience comme «comparants volontaires» pour être également jugées. Leur demande a été estimée «recevable» par le procureur et acceptée par le tribunal.
«Acceptez-vous de comparaître pour les faits que j'ai indiqués?», leur a demandé le président Jean-Hugues Desfontaine, précisant qu'elles seraient jugées pour «avoir entravé de manière concertée, avec voies de fait et dégradations, l'exercice de la liberté du travail».
«Oui», ont-elles répondu une à une, dont des militants anti-OGM déjà condamnés avec sursis, des agriculteurs, éleveurs, artisans ou retraités, certains âgés de près de 80 ans, disposant pour la plupart de faibles revenus.
«C'est la première fois que le parquet ne s'oppose pas (à une telle requête) et que le tribunal accepte», a souligné François Roux, l'un des avocats des prévenus.
Dans son réquisitoire, le procureur a estimé qu'invoquer la liberté des militants anti-OGM «est respectable, mais il y a d'autres libertés. Toutes les libertés doivent être protégées. La liberté du travail, c'est quelque chose d'essentiel», a-t-il affirmé.
Les témoignages de salariés de Monsanto qu'il a lus évoquaient «des échanges virils», «des employés stressés», du «retard dans le travail» en raison de l'action des anti-OGM, mais «aucune violence physique ou verbale».
Indiquant que Monsanto avait subi des dommages de plus de 10.000 euros, l'avocat du semencier, Me Alain Pouchelon, a demandé 20.000 euros de dommages et intérêts et 10.000 euros de frais de procédure.
«Il y a eu des voies de fait particulièrement fortes, des portails détériorés, des salariés injuriés, en état de choc. Une véritable entrave à la liberté du travail», a souligné Me Pouchelon.
Les avocats de la défense ont demandé la relaxe et le rejet des demandes des parties civiles, regrettant notamment qu'aucun dirigeant ou salarié de Monsanto ne se soit présenté à l'audience.
«Des amendes de 3.000 euros, pour quoi faire, pour casser le mouvement» anti-OGM?, s'est interrogé Me François Roux. «L'intention n'était pas d'empêcher les salariés de travailler mais de mener une action citoyenne», a affrimé Me Alexandre Faro.
«A travers ce procès, il y a une tentative de mettre en place une jurisprudence qui casse toute possibilité de lutter contre les entreprises, que ce soit en tant que salarié, ou en tant que manifestant. C'est une vraie perversion», a estimé José Bové à l'issue de l'audience.