L'OMC a tenté lundi une « provocation » pour débloquer les négociations, en écrivant noir sur blanc que les Etats-Unis doivent ramener leurs subventions agricoles entraînant des distorsions pour le commerce sous la barre des 19 milliards de dollars par an.
Dans une « communication » destinée aux 150 Etats membres de l'OMC, le négociateur de l'Organisation mondiale du commerce chargé de l'agriculture, Crawford Falconer, a estimé que le plafond des soutiens internes américains qui faussent le plus les échanges devra se situer « certainement sous les 19 milliards ».
Comme le répètent depuis des années les critiques des Etats-Unis, M. Falconer a souligné que l'actuelle proposition américaine permettrait en fait à Washington de verser 22 milliards de dollars par an à ses agriculteurs, soit plus qu'actuellement.
« Il serait franchement inconcevable que les Etats-Unis puissent sortir de cette négociation avec la permission de dépenser plus sur leurs subventions qui faussent les échanges», a observé M. Falconer.
Ce faisant, il tranche avec la prudence observée ces derniers mois à l'OMC. La question des subventions américaines a en effet conduit à la suspension en juillet dernier du cycle de Doha.
Lors la reprise des tractations en janvier, la négociatrice américaine Susan Schwab a averti que remettre de tels chiffres sur la table conduirait à une nouvelle impasse.
Mais M. Falconer a expliqué que l'urgence obligeait à brusquer les choses. « Ce que j'essaie de faire est de vous mettre au défi », a-t-il expliqué. « A moins d'un véritable élan dans les toutes prochaines semaines, soit nous irons à l'échec, soit nous mettrons tout ce travail au congélateur pendant très longtemps », a-t-il averti.
Le cycle de Doha aurait déjà dû aboutir à la fin de 2004. Les 150 pays membres de l'OMC se donnent encore jusqu'à la fin de l'année pour conclure, après un premier compromis espéré avant l'été.
En ce qui concerne l'Union européenne, M. Falconer a estimé que la baisse des subventions devra se situer aux alentours de 70% à 80%.
Les Européens ont déjà dit qu'ils pourraient aller jusqu'à 70% compte tenu de la réforme de la politique agricole commune et du découplage des subventions et de la production.
En échange d'une baisse de leurs subventions, réclamée par les pays en développement, les Etats-Unis réclament une baisse des droits de douane pratiqués par les autres pays sur leurs importations agricoles, en particulier les Européens.
A cet égard, M. Falconer estime que la baisse des droits de douane devra dépasser 50 % (et se situer entre 65 % et 8 0% pour les droits les plus élevés). Mais il ne veut pas plus de 5 % de produits «sensibles», ces produits pour lesquels Bruxelles demande à pouvoir conserver une protection plus forte. Les Européens souhaient jusque-là pouvoir conserver 8 % de produits sensibles, alors que Washington n'en veut pas plus de 1 %.
En ce qui concerne les produits «spéciaux» chers aux pays en développement, M. Falconer a estimé qu'ils pourraient en conserver entre 5 % et 8 %, mais que les droits de douane appliqués à ces produits devront tout de même baisser.
La baisse des droits de douane des pays en développement (PED) devra représenter les deux-tiers de celle des pays riches, a-t-il proposé. Il a également suggéré aux PED de réduire leurs droits de 36 % en moyenne comme l'ont fait les pays riches lors du cycle de l'Uruguay.
Les propositions du négociateur doivent être discutées le 7 mai à Genève. Quant aux quatre grands acteurs de la négociation (Brésil, Inde, UE, USA), ils doivent se retrouver à Paris les 17 et 18 mai, selon des sources diplomatiques.