En cas de transfert de foncier, les références historiques, c'est-à-dire les DPU payés en 2014, ne suivent pas toujours. Les syndicats en ont été avertis au printemps lors d'une réunion de travail au ministère de l'Agriculture, mais l'information est presque passée inaperçue.
Octobre et novembre sont des mois pendant lesquels beaucoup d'actes sont conclus (renouvellement des baux, préparation à la retraite...). C'est souvent à cette occasion que les agriculteurs découvrent une réglementation ubuesque : le règlement européen ne prévoit pas de lien juridique entre les droits à paiement unique (DPU) et les droits à paiement de base (DPB).
En 2015, pour récupérer ses références historiques ou celles du cédant, il faudra que chaque agriculteur dispose d'un « ticket d'entrée » dans le dispositif de DPB (lire les articles : Aides Pac 2015 : s'organiser pour bénéficier de l'attribution des DPB et Jeunes : des DPB en fonction de l'historique ou de la réserve) et, en cas de cession, que le cédant soit actif. Autrement dit, qu'ils détiennent au moins un are et qu'il remplisse une déclaration Pac au 15 mai 2015.
Dans le cas des cessions entre époux ou entre fermiers, cela ne suffit pas. Dans ces cas, le transfert de références est, à ce stade, impossible. Les sociétés doivent aussi être très vigilantes. L'inquiétude monte chez les agriculteurs qui réalisent l'illogisme des textes européens. Quand ils le peuvent, ils mettent leurs projets entre parenthèses. Les conseillers, impuissants, manquent d'informations précises pour rassurer. Retrouvez leurs témoignages dans La France Agricole de cette semaine (n° 3562, du 31 octobre 2014) ainsi que des ébauches de solutions pour résoudre les cas bloquants. Si vous êtes dans une situation comparable, faites-vous connaître de la DDT(M) et de votre centre de gestion ou cabinet conseil.
Les syndicats ne baissent pas les bras
Les syndicats font pression sur le ministère pour apporter des solutions rapidement. Celui-ci les promet d'ici à la fin de l'année.
« Certains risquent d'y perdre gros », redoute Bernard Lannes, président de la Coordination rurale. Mais ils communiquent aussi localement pour alerter les agriculteurs. « Nous leur rappelons d'être vigilants et si c'est possible, de décaler certains projets, poursuit Bernard Lannes. Ils ne comprennent pas. Il est vrai que la logique du règlement européen nous échappe, mais on ne peut pas y déroger. »
« Nous faisons circuler l'information pour que le moins de jeunes possibles soient pénalisés », déclare Jérémy Decerle, vice-président de JA en charge du dossier sur l'installation. Pour les jeunes agriculteurs et nouveaux installés, il reconnaît à demi-mots qu'il n'y a pas d'espoir de faire évoluer la règle. Mais il faut au moins que « les jeunes n'achètent pas de DPU (ndlr. ils ne valent plus rien) et s'assurent que le cédant sera toujours actif en 2015 ». « Le règlement européen est très rigide, renchérit Henri Brichart, vice-président de la FNSEA, mais nous continuons, avec l'Administration, à chercher des brèches. Nous poursuivons le même objectif : que tous les agriculteurs disposent d'un ticket d'entrée et qu'un maximum récupère les références historiques. Car il ne s'agit pas seulement d'alerter, mais d'apporter des solutions », se défend-il.
Jacques Pasquier, porte-parole de la Confédération, est un peu plus optimiste. « Il y a des problèmes essentiellement dans les cas d'agrandissement, relativise-t-il. Les jeunes et les nouveaux installés sont au moins assurés d'obtenir des DPB à la moyenne nationale, 132 €/ha, ce n'est pas si mal. Il y a une certaine équité. » Pour lui, la situation est « moins grave que pour les petits exploitants à qui on va supprimer la PMTVA ou les DPU spéciaux. Les pâturages collectifs pourraient aussi se retrouver sans ou avec très peu d'aides ».