Le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) de Saint-Brieuc a condamné jeudi pour « faute inexcusable » l'entreprise de nutrition animale Nutréa pour l'intoxication aux pesticides de deux de ses anciens salariés sur le site de Plouisy (Côtes-d'Armor), alors qu'ils manipulaient des céréales traitées, destinées au bétail.
La société Nutréa, filiale de la coopérative Triskalia, « devait avoir conscience du danger auquel ses salariés étaient exposés et n'a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver », relève le tribunal, notant qu'elle « a commis une faute inexcusable ».
Stéphane Rouxel et Laurent Guillou, aujourd'hui au chômage, souffrent d'un syndrome invalidant d'intolérance aux solvants et aux odeurs chimiques, après avoir été intoxiqués en 2009 par un pesticide, interdit d'utilisation depuis 2006, puis le 15 mai 2010 par un pesticide pulvérisé en trop grande quantité sur les céréales qu'ils déchargeaient.
« Aujourd'hui, c'est la satisfaction », a déclaré Laurent Guillou, déplorant toutefois que « les conditions de travail [n'aient] pas changé. Il n'y a pas besoin de tous ces produits chimiques pour conserver les céréales ».
La MSA remboursée
Le tribunal, qui a jugé prescrit l'accident du 8 avril 2009, a en revanche condamné Nutréa pour celui de 2010. L'entreprise devra verser 2.500 euros aux victimes et rembourser à la MSA (Mutualité sociale agricole) l'intégralité des conséquences financières de cet accident. Le tribunal a également ordonné une expertise médicale pour évaluer le préjudice des victimes et fixer le montant de leur indemnisation.
A l'appui de sa décision, le tribunal, dans son jugement, cite un rapport de l'Inspection du travail indiquant qu'entre avril et mai 2009 des salariés ont été victimes de « symptômes graves à la suite de la réception de blé en provenance de la société Eolys (devenue Triskalia) [...], traitées avec un produit nocif interdit d'usage », sans que l'entreprise n'ait informé ni formé les salariés. Le tribunal note aussi qu'entre février et mars 2010, « des intoxications de salariés sont rapportés à 11 reprises », soit avant l'accident de Stéphane Rouxel et de Laurent Guillou, sans que la société n'informe les salariés des risques.
Stéphane Rouxel et Laurent Guillou souffrent tous deux de maux de tête, de douleurs au ventre, de saignements, de brûlures au visage et au cuir chevelu récurrents. Ils ont été déclarés inaptes eu travail et licenciés en 2011. En mai 2009, ils ont porté plainte contre X auprès du procureur de Guingamp (Côtes-d'Armor), plainte d'abord classée sans suite avant qu'une enquête préliminaire soit ouverte en novembre 2010. Ils contestent aussi leur licenciement devant les prud'hommes.