Dans une tribune diffusée lundi 15 juin, les trois députés du PS, Jean Glavany (Hautes-Pyrénées, ancien ministre de l’Agriculture), Germinal Peiro (député de la Dordogne, secrétaire national à l’Agriculture du PS) et Jean Gaubert (Côtes-d’Armor), reviennent sur le processus de dérégulation du prix du lait qui a amené, selon eux, à la crise d'aujourd'hui.
Renvoyant le gouvernement Raffarin et le premier de l'ère Sarkozy à leurs responsabilités, ils concluent sur l'absolue nécessité de revenir sur la négociabilité des prix «imposée par le gouvernement pour accroître la pression sur les producteurs» et qui «casse toute tentative de régulation en amont».
Les auteurs de cette tribune reviennent sur le «bon» diagnostic de Philippe Vasseur dans un article paru dans Le Monde du 28 mai 2009. L'ancien ministre de l'Agriculture des gouvernements Juppé (1995-1997) y explique la crise du lait «par l’échec d’une réglementation souple», indique les trois co-signataires.
D'après eux, cette analyse qui «met en cause très nettement la volonté dérégulatrice du gouvernement français à travers l’action de la direction générale de la concurrence (DGCCRF) et la doctrine libérale européenne à l’oeuvre qui vise à casser toute régulation sur le marché agricole», doit être complétée.
Ils «rappellent» à Michel Barnier encore ministre de l'Agriculture que «la politique qu’il mène avec l’ensemble du gouvernement porte les germes de la crise laitière. Elle mènera à d’autres crises agricoles si une sérieuse révision du dogme libéral n’est pas immédiatement entreprise», soutiennent-ils.
Ils mettent en avant trois raisons qui ont amené à la situation de crise dans laquelle se trouve la filière laitière aujourd'hui.
Tout d'abord, l'abandon des quotas qui ont été «créé[s] et mis en place» en 1984 par les socialistes, soulignent les députés. «Aujourd’hui, l’unanimité semble se faire sur l’indispensable maintien des quotas. Mais il est bien tard. C’est sous la présidence française de l’Union européenne que les quotas laitiers ont été abandonnés, en novembre dernier. […] Le premier accord européen visant à mettre un terme aux quotas, à l'échéance de 2014, a été signé par M. Gaymard, ministre de l’Agriculture du gouvernement Raffarin, en 2003. M. Barnier a parachevé l’oeuvre à la tête du Conseil des ministres européens en novembre 2008.»
A l’abandon des quotas, il faut ajouter «l‘autre versant de la réforme de 2003: la baisse du prix d’intervention. A l’époque, nous avions dénoncé cette orientation pour les risques qu’elle faisait courir à la stabilité du marché, donc de la production. [...] Les gouvernements de l’Union, dont celui de la France, sont responsables de cette orientation puisque la décision finale leur appartient», analysent les trois signataires.
Enfin, le gouvernement français «a mis en place un ensemble d’instruments juridiques internes dérégulateurs», avec en particulier la dénonciation, au printemps dernier, par la DGCCRF de la pratique de négociation tarifaire nationale des prix par l’interprofession laitière.
Pour J. Glavany, G. Peiro et J. Gaubert, «l’argument avancé d’une possible enquête européenne ne tient pas. Cette pratique est en effet compatible avec les règles de l’Union européenne. L’article 81 du traité CE exonère de la législation sur les ententes les pratiques visant soit à améliorer «la production ou la distribution» soit à favoriser le «progrès technique ou économique», indiquent-ils. «En outre, l’article 2 du règlement 1184/2006 du 24 juillet 2006 exonère aussi des deux règles de la concurrence européenne fixées aux articles 81 à 86 du traité les accords, décisions et pratiques d’exploitants agricoles admettant la possible organisation du marché», soulignent les auteurs.
Ils précisent: «L’interprofession le faisait sans interdire les différences dans le prix payé aux exploitants à partir de critères multiples. Il y avait organisation du marché et préservation de la concurrence. Enfin, depuis la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, sont permises les ententes pour favoriser le progrès économique, y compris "par la création et le maintien d’emplois"».
«En fait, insistent les trois députés, l’action de la DGCCRF est justifiée uniquement par la politique interne du gouvernement de M. Sarkozy. En mai 2008, celui-ci présentait la loi de modernisation de l’économie qui vise clairement la baisse des prix. Il a dès lors été décidé de libérer toutes les discussions entre les fournisseurs et la grande distribution qui détient désormais toutes les clefs de l’évolution des prix payés aux agriculteurs. La préservation des marges des distributeurs se fera au détriment des prix payés aux producteurs, quels qu’ils soient. [...] La volatilité est ainsi plus grande et l’insécurité économique qui fragilise les exploitants agricoles s’installe.»
Pour les co-signataires de cette tribune, «défaire les régulations pour faire baisser les prix entraîne des dégâts économiques et sociaux pour les producteurs, donc pour les emplois en France».