« La productivité de l’eau peut être un indicateur utile, mais en faire un objectif isolé, sans tenir compte de la complexité des situations, risque de conduire à ne traiter que partiellement les multiples enjeux de développement agricole », affirme la Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde (Farm) dans une note d'analyse.
Selon la fondation, « il pourrait être plus intéressant d’utiliser ce concept comme un indicateur, pour concevoir des stratégies de développement permettant d’agir conjointement sur la gestion de l’eau, la mise en œuvre de systèmes de culture productifs et durables et l’intégration des petits producteurs dans les filières agricoles, résume-t-elle. Dans cette perspective, l’appui aux organisations professionnelles agricoles comme les coopératives et les associations d’irrigants, notamment pour renforcer leurs fonctions économiques, constitue un levier crucial ».
Le concept de productivité de l’eau est de plus en plus utilisé, voire devient central, compte tenu du contexte mondial sur les ressources et l'approvisionnement en eau, dans les réflexions sur la gestion de l’eau et le développement agricole, souligne le think-tank.
Son écho s'amplifie par la « nécessité d’accroître la production agricole pour pouvoir satisfaire la demande alimentaire mondiale en 2050 », appuie Farm. Le concept, que l'auteur de la note rapproche de celui de « l'eau virtuelle » – soit la quantité d’eau qui a été nécessaire pour produire un bien – « surtout appliqué dans le cadre des échanges internationaux de produits agricoles et alimentaires », a fait mouche, à la mi-mars, lors du sixième Forum mondial de l'eau à Marseille. Des objectifs d’augmentation durable de la productivité de l’eau agricole en systèmes pluvial et irrigué y ont été formulés, souligne la fondation.
Le concept de productivité de l'eau, lui, vise à « mesurer comment un système convertit l’eau (associée à d’autres ressources) en produits et services. Il se définit comme le rapport entre la production ou la valeur des services tirés des cultures, des forêts, des pêcheries continentales, de l’élevage, et la quantité d’eau utilisée dans le processus de production », explique la note de Farm.
Les bénéfices peuvent être mesurés en termes de masse physique (exprimée en kg), en valeur monétaire (par exemple en euros ou dollars) ou encore en valeur nutritive (calories), précise-t-elle.
Comme dans le cas de l'eau virtuelle, le concept de productivité de l'eau reste limité s'il ne prend pas en compte tous les facteurs de production de manière globale. Ainsi, indique l'auteur, en ce qui concerne l'eau virtuelle, « on constate que les déterminants des échanges commerciaux de produits agricoles ne sont, en général, que marginalement liés à l’eau. La disponibilité en terres, les avantages comparatifs sectoriels, le coût de la main-d’œuvre ou encore des raisons politiques sont des facteurs beaucoup plus structurants ».
Pour autant, « la comparaison de la productivité de l’eau pour différentes cultures ou différents modes de production pourrait constituer un indicateur intéressant face au défi d’augmenter la production agricole avec moins de ressources en eau », argumente l'auteur, s'appuyant sur des exemples de cultures traditionnelles (blé, maïs, riz, mil ou sorgho, en cultures irriguées ou pluviales) dans plusieurs grands bassins versants asiatiques et africains.
Selon lui, il apparaît que « les écarts de productivité de l’eau sont liés essentiellement aux différences dans les niveaux de rendement », ainsi qu'aux facilités d'accès aux engrais, aux semences, aux produits de protection des cultures et à la mécanisation, dont disposent les agriculteurs. De ce fait, en Asie, les rendements et les productivités de l’eau observés sont plus élevés que dans la plupart des bassins africains étudiés, rapporte la note.
Selon cette analyse, l’utilisation de la WP comme indicateur doit donc prendre en compte non seulement la gestion de l’eau, mais également l’accès aux intrants, l’entretien de la fertilité du sol ou encore les rotations des cultures, tout en s'appuyant sur la mise au point de variétés plus tolérantes à la sécheresse, sur l’adoption de certaines pratiques culturales et la « gestion raisonnée de l’eau sur l’ensemble du continuum pluvial-irrigué ».
De ce fait « les régions d’Afrique subsaharienne, caractérisées par de faibles niveaux de rendement, apparaissent alors comme des cibles prioritaires pour le développement agricole ».