Un projet de directive européenne sur la protection des sols se heurte depuis 2007 à une minorité de blocage, constituée de cinq Etats membres dont la France. Au cours d'un débat qui s'est tenu vendredi à Paris, Karl Falkenberg, directeur général pour l'Environnement à la Commission, Corinne Lepage, eurodéputée du Modem, et Sandrine Bélier, eurodéputée des Verts, ont plaidé en faveur de l'adoption de ce texte devant Laurent Michel, représentant le ministère de l'Ecologie.
«La Commission a actuellement deux grandes priorités environnementales, a indiqué Karl Falkenberg. La première concerne le changement climatique, la seconde la préservation de la biodiversité.» Les sols auraient un rôle à jouer pour atteindre les objectifs de Bruxelles dans le premier domaine, par leur capacité à stocker le carbone ou à contribuer de façon substantielle aux émissions de gaz à effet de serre suivant l'utilisation qui en est faite.
Sur la biodiversité, l'Union euroépenne (UE) s'était donné l'objectif – non atteint – d'enrayer la perte de biodiversité sur cette décennie. «Nous devons fixer un objectif communautaire de restauration de la biodiversité sur la prochaine décennie, et la qualité et l'utilisation des sols est au cœur de cet enjeu», a affirmé Karl Falkenberg.
Corinne Lepage a identifié trois types d'intérêts qui s'opposent à l'adoption de ce texte. «Les pollueurs des sols ne sont pas prêts à assumer le passif», a-t-elle dénoncé. Le monde rural adopte une position défensive par peur de la surenchère réglementaire, «alors qu'ils devraient être demandeurs de ce projet qui doit mener vers une restauration de la qualité de sols», a-t-elle poursuivi. Enfin, les porteurs de projets de construction s'inquiètent des contraintes qui découleraient de cette directive.
Pourtant, en l'absence de cadre réglementaire commun, «les Etats membres auront toutes les mauvaises raisons de ne pas prendre de mesures en faveur de la protection des sols, et nous paierons finalement les services qui ne seront plus rendus par la nature», a-t-elle alerté.
«Il est très important que le sol continue à produire de l'eau potable, des denrées de qualité et de la biomasse et des matières premières, a souligné de son côté Karl Falkenberg. Nos activités économiques dépendent de la qualité de nos sols. Nous sommes convaincus qu'il sera moins coûteux de remédier maintenant à la dégradation des sols plutôt que d'attendre que des problèmes éclatent au grand jour.»
A ces arguments en faveur s'ajoute «le respect de nos engagements internationaux», a ajouté Sandrine Bélier, en référence aux accords internationaux sur la préservation de la biodiversité et la lutte contre la désertification. Il s'agit également d'une question de «cohérence» et de «responsabilité», dans la mesure où les engagements européens en faveur de la protection de l'environnement ne peuvent faire abstraction des sols.
«La France n'est pas opposée au principe d'une directive; au contraire!», a signalé Laurent Michel, du ministère de l'Ecologie. Le désaccord porte surtout sur la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation. Le représentant du ministère a insisté sur la nécessité de prioriser les actions à partir d'une analyse de risques, quitte à ce que «les critères de priorisation soient encadrés par la directive». Il a précisé que la France, qui s'est abstenue lors du vote du Conseil, n'était pas opposée à la poursuite des discussions.
De son côté, l'Allemagne, fondamentalement opposée à cette directive, fonde sa position sur le fait que le sol «ne traverse pas de frontières», ce qui fait qu'il relève de la responsabilité nationale des Etats membres. Ce à quoi la Commission rétorque que «la pollution émanant d'un sol dégradé peut voyager par voie éolienne ou par voie d'eau, ce qui peut avoir des répercussions au-delà des territoires nationaux».