Les industriels de l'alimentation sont «fortement opposés» au rapport Hagelsteen qui préconise la libre négociation des tarifs entre les industriels et les distributeurs, a affirmé mardi Jean-René Buisson, président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania).
«Les industriels de l'alimentation sont fortement opposés au rapport Hagelsteen car il permettrait aux distributeurs d'exiger des industriels des baisses de tarifs sans contreparties négociées pour les promotions», a déclaré M. Buisson après la publication de ce rapport commandé par le gouvernement.
Le président de l'Ania s'est toutefois félicité que ce rapport maintienne «les contrôles renforcés de la direction de la Concurrence, les condamnations pour pratiques abusives et les sanctions civiles» dont les distributeurs veulent la disparition du code du commerce.
Il a prévenu le gouvernement qu'en cas d'adoption de la principale recommandation de ce rapport, «il faudrait faire attention aux réactions d'une profession importante» qui occupe la deuxième place mondiale du secteur derrière les Etats-Unis, avec un chiffre d'affaires annuel d'environ 140 milliards d'euros.
Le rapport Hagelsteen préconise la libre négociation des tarifs entre les industriels et les distributeurs, dans le cadre de la poursuite de la réforme de la loi Galland qui régit les relations entre les deux secteurs, selon un communiqué du ministère de l'Economie mardi.
Marie-Dominique Hagelsteen, ancienne présidente du Conseil de la concurrence, «préconise de permettre aux fournisseurs de différencier leurs conditions de vente vis-à-vis de chaque distributeur, en levant l'interdiction de discrimination tarifaire».
Ce principe d'interdiction de «discrimination tarifaire» accorde actuellement le droit aux industriels de proposer les mêmes tarifs aux distributeurs, qui n'ont pas la possibilité de les négocier immédiatement. Ils le font lors de la négociation sur la «coopération commerciale» (têtes de gondole, brochures, promotions...).
Mme Hagelsteen propose que la négociabilité s'accompagne de «mesures permettant de rééquilibrer» les relations entre fournisseurs et distributeurs, «notamment en matière de délais de paiement, de pénalités de retard pour livraison ou du contenu des conditions générales de vente, et d'accroître la concurrence en aval dans les zones de chalandise».
Une consultation est lancée, afin de «recueillir les réactions et propositions de toutes les parties prenantes d'ici à la fin de février», selon le communiqué.
Le texte issu de cette concertation est destiné à être inclus dans le projet de loi de modernisation de l'économie, qui sera présenté au Parlement dans le courant du premier semestre de 2008.
Le principe de la «non-discrimination» aurait dû être levé en décembre, dans le cadre de la loi sur le développement de la concurrence au service des consommateurs, mais il a été reporté en raison de la forte opposition des industriels, qui craignent un déséquilibre dans les relations entre les majors de la distribution et les PME.
Les distributeurs estiment de leur côté qu'en négociant les tarifs, ils pourraient baisser les prix à la consommation.
«C'est une avancée culturelle. Cela va dans le bon sens», s'est félicité Michel-Edouard Leclerc, patron des centres Leclerc, après la publication du rapport commandé.
M. Leclerc souligne que le rapport Hagelsteen démontre qu'il est «souhaitable et faisable» que les fournisseurs «puissent différencier leurs conditions de vente vis-à-vis de chaque distributeur, en levant l'interdiction de discrimination tarifaire».
«Cela remet les tarifs au coeur de la négociation entre industriels et distributeurs», s'est réjoui M. Leclerc qui avait mené une intense campagne médiatique en faveur de cette réforme.