Les chefs d'Etat et de gouvernement présents lors du sommet de la FAO (Organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation) à Rome se sont engagés lundi à «éradiquer la faim dans le monde», qui touche plus d'un milliard d'êtres humains, sans toutefois se fixer de délai.
Dès l'ouverture du sommet dans la matinée, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a égrainé une série de chiffres dramatiques: «Aujourd'hui, plus de 17.000 enfants vont mourir de faim. Un toutes les cinq secondes. Six millions par an. Cela n'est pas acceptable. Nous devons agir.»
«Il nous faut effectuer des changements significatifs pour pouvoir nous nourrir et en particulier protéger les plus pauvres et les plus vulnérables», a expliqué M. Ban, en soulignant que pour nourrir plus de 9 milliards d'humains – en 2050 – il faudra accroître la production alimentaire de 70%. A trois semaines du sommet mondial sur le climat à Copenhague, il a souligné qu'«il ne peut y avoir de sécurité alimentaire sans sécurité climatique».
Dans une déclaration finale adoptée au premier jour des travaux, les participants se sont engagés à «éradiquer la faim dans le monde», mais la date-butoir pour y parvenir, 2025, a été supprimée du projet initial. En revanche, ils ont réitéré l'objectif de «réduire de moitié le pourcentage et le nombre de personnes souffrant de la faim et de la malnutrition d'ici à 2015».
Les pays membres de la FAO avaient déjà réitéré cet objectif du Millénaire en juin 2008. Depuis, le nombre de personnes souffrant de la faim est passé de 850 millions à 1,02 milliard.
Aucun chiffre ne figure non plus sur les investissements nécessaires pour accroître la production agricole, notamment pas les 44 milliards de dollars annuels pour l'agriculture, jugés nécessaires par le directeur général de la FAO, Jacques Diouf.
La déclaration finale prévoit seulement «d'inverser la tendance à la diminution des financements nationaux et internationaux consacrés à l'agriculture, à la sécurité alimentaire et au développement rural des pays en développement».
Une soixantaine de chefs d'Etat, venus surtout d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine, avaient répondu à l'invitation de la FAO dans la capitale italienne, quadrillée par un millier de policiers et bloquée par de gigantesques embouteillages.
Parmi eux, le président zimbabwéen contesté, Robert Mugabe, et le colonel libyen Mouammar Kadhafi, qui a dénoncé «un nouveau féodalisme» en Afrique, avec des sociétés étrangères qui achètent de nombreux terrains agricoles et imposent leurs «semences diaboliques».
Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, qui a reçu un prix de l'ONG ActionAid pour ses «succès dans la lutte contre la faim» dans son pays, a affirmé que son action avait permis à plus de 20 millions de Brésiliens de se libérer de la faim. Avec Jacques Diouf, il a signé dimanche un protocole d'accord entérinant la collaboration de l'Université fédérale de Viçosa à un programme de développement agricole de la FAO en Amérique latine et en Afrique.
Du côté des pays du G8, seule l'Italie était représentée par son chef du gouvernement, Silvio Berlusconi, qui, au passage, a échappé à la réouverture d'un procès prévue le même jour à Milan et reporté de ce fait au 18 janvier.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a appelé lundi dans une tribune publiée par un quotidien italien à faire plus pour la sécurité alimentaire afin d'éradiquer la «honte» de la faim dans le monde. Il a rappelé par ailleurs que l'Union européenne a débloqué de son côté 1,5 milliard de dollars l'année dernière pour la sécurité alimentaire et prévoit de consacrer 4 milliards supplémentaires au cours des trois prochaines années.
Parmi les moyens d'action contre la faim dans le monde, M. Barroso a appelé à «valoriser la biodiversité» en diversifiant les cultures et à constituer «un groupe intergouvernemental d'experts» sur le sujet comme pour le changement climatique, dont il estime qu'il faut «contrer les effets menaçants sur l'agriculture».
Devant les participants au sommet, le pape Benoît XVI a fustigé «l'égoïsme», dénoncé «la spéculation» sur le marché des céréales et contesté «le recours à certaines formes de subventions qui perturbent gravement le secteur agricole».
Les militants d'ONG altermondialistes regroupés devant le siège de la FAO ont protesté également contre les multinationales qui «utilisent la nourriture comme moyen de spéculation».
De son côté, Oxfam France a relevé que «sans financement, il n'y a aucun espoir de nourrir un milliard de personnes souffrant de la faim».
Dimanche avant l'ouverture du sommet, la Banque islamique de développement (BID) a pour sa part annoncé qu'elle va allouer 1 milliard de dollars américains sur trois ans, de 2010 à 2012, à des programmes de soutien au développement agricole, réalisés en coopération avec la FAO. «On espère que cet accord cadre [...] servira de catalyseur pour des ressources supplémentaires et portera le total des investissements du programme FAO-BID à 5 milliards de dollars à l'horizon de 2012», a écrit la FAO dans son communiqué dimanche.
Lire également: