Les Etats les plus frappés ces derniers mois par la crise alimentaire «ne s'en remettent pas au marché pour nourrir leur population»: c'est ce qu'a rappelé Bertrand Hervieu, inspecteur général au ministère de l'Agriculture et ancien secrétaire général du Ciheam (1), à l'occasion d'une conférence-débat organisée par le Ciheam à Paris le 24 novembre 2009, sur le thème de la sécurité alimentaire.
«Aujourd'hui, certains Etats ont compris la nécessité de remettre en place des politiques agricoles pour assurer leur mission régalienne de sécurité alimentaire, constate-t-il. Elles se construisent autour de l'agriculture familiale bien sûr, mais aussi en emboîtant le pas sur les stratégies commerciales avec des investissements à l'étranger.»
Dans un document du Ciheam présenté un peu plus tôt dans la journée à un autre colloque, celui de Farm (2) sur la volatilité des prix, Michel Petit, membre de Farm, a montré que pour limiter l'impact de la crise sur le prix du pain notamment, et donc «préserver la paix sociale à tout prix», les gouvernements d'Afrique du Nord n'ont pas hésité à solliciter leurs finances publiques pour mettre en place des politiques d'intervention sur les prix ou les quantités.
«On constate un changement d'attitude en Algérie, a souligné Michel Petit. Ce pays montre un désir sérieux de soutenir son agriculture». L'Algérie a commencé à faire des stocks de céréales dès 2006, elle a doublé en un an (500 millions d'euros) l'appui financier à l'Office national d'intervention des céréales pour stabiliser les prix de la farine et a mis en place des incitations internes pour augmenter les prix à la production, etc.
L'Egypte, de son côté, a augmenté le nombre de bénéficiaires de cartes de rationnement. Elle a alloué 1,7 milliard d'euros pour subventionner le prix du pain (doublé en un an). Elle a interdit jusqu'à la fin de 2008 l'exportation de riz et a augmenté, elle aussi, le prix d'achat public à la production (un peu moins qu'en Algérie).
Le Maroc a également subventionné la farine de blé à destination du pain, revu ses quotas de farine, suspendu les droits de douane à l'importation de blé et a, lui aussi, augmenté les prix à la production. La Tunisie a également joué sur les mêmes leviers.
Les pays du bassin méditerranéen ne sont pas les seuls à se doter de politiques agricoles. La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a, par exemple, un projet régional très avancé.
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(1) Centre international des hautes études agronomiques méditerranéennes
(2) Fondation pour l'agriculture et la ruralité dans le monde.