Les premières estimations sur les semis d'hiver sont toujours à manipuler avec précaution. Celles que viennent de diffuser à quelques jours d'intervalle le service de statistiques du ministère de l'Agriculture (Scees) et l'OniGC donnent néanmoins le ton: le blé tendre a le vent en poupe dans les campagnes françaises.
Avec plus de 4,96 millions d'hectares (Mha), la céréale à paille progresse de 3,4% par rapport à l'an passé, dépassant ainsi le précédent record de 1998 pour s'approcher du maximum historique de 1984. L'orge d'hiver suit la même tendance. Elle gagnerait 40.000 ha, à 1,23 Mha. Le colza fait figure de perdant de l'année parmi les cultures d'hiver. Ses surfaces reculeraient de 6 à 7% selon les estimations, tout en se maintenant à 1,5 Mha, bien au-dessus de la moyenne quinquennale. Cette glissade n'empêche pas la sole globale des cultures implantées à l'automne de couvrir près de 100.000 ha supplémentaires cette année. La question est désormais de savoir si ces hectares ont été gagnés sur la jachère ou sur les cultures de printemps.
Selon l'OniGC, la progression de la sole de blé tendre est la plus importante en valeur relative en Bretagne, en Normandie et en Poitou-Charentes, où l'augmentation dépasse 4%. En valeur absolue, c'est dans la région de Rouen et celle d'Orléans que le gain d'hectares serait le plus important, respectivement de 21.000 et 25.000 ha. D'après les données du Scees, le recul du colza serait le plus marqué dans les grandes régions productrices comme Poitou-Charentes, Champagne-Ardenne, Centre et Lorraine, mais serait plus modéré en Picardie et en Bourgogne.
Pour Rémi Haquin, président de l'OniGC, cette nouvelle moisson de chiffres «ne révèle pas de bouleversement». Le responsable professionnel s'avoue même plutôt agréablement surpris par le recul du colza, plus modéré que ce que les résultats des deux précédentes récoltes et le prix du blé auraient pu laisser craindre. La hausse de la sole de blé, quant à elle, n'a rien d'exubérant. Si l'année climatique à venir se montrait clémente, cela pourrait néanmoins signifier une collecte augmentée de 3 à 4 millions de tonnes par rapport à 2007/2008.
Un tel potentiel emmené jusqu'au bout plaiderait pour une détente des cours. «Ca ne veut pas dire qu'on retournera au prix d'intervention, mais cela nous obligerait à exporter plus pour équilibrer le bilan», estime Rémi Haquin. Pour cela, il faudra que le blé français retrouve d'ici là une compétitivité dont il s'est départi depuis le début de la campagne. L'origine européenne n'a toujours pas eu son mot à dire sur un marché mondial dominé par les blés américains, russes et argentins, au prix largement plus attractif pour les clients tout autour de la planète.