La communauté internationale doit «faire de la sécurité alimentaire un des enjeux du G20», le groupe des 20 principales puissances économiques mondiales, qui se réunit le 2 avril 2009 à Londres, «à l’égal de la régulation des marchés financiers ou des plans de relance de l’économie», a affirmé le Mouvement pour une organisation mondiale de l'agriculture (Momagri), dans un communiqué.
«L’aboutissement du cycle de Doha va à l’évidence être présenté au G20 comme la solution pour se prémunir du protectionnisme», s'inquiète le groupe de réflexion présidé par Pierre Pagesse, président de Limagrain.
«Loin de prémunir le monde du protectionnisme, le cycle de Doha peut nous y mener tout droit» et conduire à une dangereuse crise alimentaire, explique Momagri, qui a réalisé de nouvelles simulations des effets d'une libéralisation non régulée du commerce agricole mondial.
Celle-ci aboutirait à une chute brutale du chiffre d’affaires des agriculteurs des pays les plus pauvres (-60%), à une baisse durable dans les pays émergents importateurs (Chine et Inde -30% à -40%) et à une érosion tendancielle pour les pays développés (avec des creux sur plusieurs années à -30%), selon ces simulations.
Seuls les pays émergents exportateurs comme le Brésil tireraient leur épingle du jeu, ainsi que «les fonds d’investissement qui achètent des millions d’hectares, notamment en Afrique, car ils bénéficieront pleinement de l’abaissement des barrières douanières».
Le résultat serait «un bouleversement de l’équilibre mondial avec pour signe majeur l’appauvrissement, voire la disparition des économies agricoles dans les pays à plus forte croissance démographique. L’Europe et les Etats-Unis connaîtraient également des pertes d’emplois massives dans l’agriculture et l’agroalimentaire. La sécurité alimentaire de l’Europe serait alors remise en cause», prévoit Momagri.
«Sans mise en œuvre d’une régulation mondiale pour éviter les effets déstabilisateurs, voire dévastateurs de la volatilité des prix, un accord à l’OMC dans le domaine agricole serait à l’origine d’une crise alimentaire autrement plus dangereuse que la crise financière actuelle», souligne-t-il.
«Dès lors, les gouvernements seraient obligés de recourir à des mesures protectionnistes pour assurer leur mission première: la sécurité alimentaire de leurs peuples», poursuit-il.
Pour preuve, Momagri rappelle que «17 pays (dont l’Argentine et l’Inde …) ont imposé en 2008 des restrictions à l’exportation en termes quantitatifs, voire ont carrément interdit l’exportation pour faire face à l’envolée des cours internationaux et protéger ainsi l’approvisionnement alimentaire national».
«Il est donc urgent pour l’éviter de construire une gouvernance mondiale de l’agriculture pour favoriser l’objectif de sécurité alimentaire dans un marché régulé, c'est-à-dire la recherche d’une solvabilité alimentaire collective. (...) En évitant, à très court terme, l’effet d’annonce politique autour d’un accord sur l’agriculture à Doha, dans le seul but de redonner de la confiance à bon compte, là où les échecs se succèdent depuis 7 ans», conclut le Mouvement.
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