Les pays européens sont nettement divisés sur l'opportunité d'augmenter un programme d'aide alimentaire financé sur fonds agricoles en faveur des millions de citoyens les plus démunis, certains estimant que le budget de l'UE ne devrait plus être utilisé pour cela.
Un débat à ce sujet des ministres européens de l'Agriculture, vendredi à Bruxelles, a mis en évidence ces divergences.
«J'ai bien entendu qu'une assez large majorité (de pays de l'Union européenne) est intéressée par ce programme, mais que d'autres ont des difficultés», a résumé le ministre français de l'Agriculture Michel Barnier, dont le pays préside l'UE jusqu'à la fin de l'année, lors d'un débat public sur la question.
Il a renvoyé le débat aux experts des pays de l'UE, pour tenter de trouver un compromis, ainsi qu'à la future présidence tchèque de l'UE... qui a clairement exprimé son opposition au projet.
Outre la République tchèque, le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Danemark, la Suède ou encore les Pays-bas sont "contre".
Ils ont fait savoir vendredi qu'ils ne pourraient soutenir en l'état une proposition faite en septembre par la Commission européenne de reconduire et d'augmenter le programme d'aide aux démunis, auquel les pays participant doivent contribuer en apportant une partie du financement.
Les pays hostiles constituent une minorité de blocage suffisante pour empêcher l'adoption du texte dans sa version actuelle.
L'aide alimentaire aux plus pauvres «relève de la politique sociale, cela n'a rien à voir avec la politique agricole commune (Pac), et la politique sociale relève des gouvernements nationaux», a estimé la ministre néerlandaise de l'Agriculture, Gerda Verburg.
«Il faut que tous nos citoyens aient suffisamment à manger, mais nous avons une objection sur le fait de dire qu'il s'agit d'une mesure agricole», lui a fait écho le représentant britannique, le secrétaire d'Etat britannique Huw Irraca-Davies.
Bruxelles propose d'augmenter de 300 aujourd'hui à 500 millions d'euros, le budget annuel du programme d'aide alimentaire européen, qui a bénéficié à 13 millions de personnes en 2006.
Une majorité de pays soutiennent cette idée, parmi lesquels la France, l'Irlande, la Pologne, la Belgique ou l'Italie.
«11% de notre population vit avec moins de 600 euros par mois. Nous avons le droit moral et éthique de soutenir ces gens», a déclaré le ministre italien Luca Zaia.
Au-delà de la nouvelle enveloppe budgétaire, la Commission veut réformer totalement les modalités du programme d'aide alimentaire.
Depuis 1987, les gouvernements peuvent notamment utiliser les stocks agricoles, constitués dans le cadre de la Pac pour réguler certains prix. Mais aujourd'hui, en raison de la demande mondiale très forte et des réformes successives de la Pac, ces stocks sont quasi épuisés.
En conséquence, Bruxelles veut augmenter le budget de ce programme et par ailleurs autoriser les achats de nourriture directement sur le marché de manière permanente, alors que ceux-ci ne doivent aujourd'hui être qu'exceptionnels.
L'exécutif européen souhaite également laisser aux Etats le soin de décider la liste des produits concernés, selon des critères nutritionnels. Ce qui permettrait ainsi d'inclure tous les fruits et les légumes dans cette aide alimentaire, limitée jusqu'à présent à certains produits de base comme le lait, le riz et certaines céréales.