Dans une « lettre ouverte » publiée mercredi sur le site internet d'Altermonde sans frontière (1), au lendemain de la visite ministérielle à l'Inra de Colmar, les faucheurs volontaires assument un « geste pleinement réfléchi » destiné « particulièrement aux décideurs politiques qui autorisent, et finalement organisent, la dissémination des OGM dans les champs et dans les assiettes ».
De leur côté, les responsables de l'essai de vigne OGM résistante au court-noué, saccagé le 15 août 2010 par les faucheurs, tentent en vain de leur faire entendre qu'ils se trompent de cible.
Cet acte « s’inscrit dans le combat mené depuis de longues années contre le développement des manipulations génétiques dans l’agriculture, le brevetage, et la marchandisation du vivant », explique le texte des faucheurs.
Le collectif se dit « pour la recherche fondamentale sur les OGM », qui doit « s’effectuer selon des protocoles rigoureux en milieu confiné. Surtout, elle doit répondre aux véritables besoins de la société et ne pas faire le jeu du marché ».
Des mesures pour « préserver le terroir viticole »
En un sens, cet essai remplissait ces conditions !
Même en plein air, il tenait du confinement tant les équipes scientifiques de l'Inra de Colmar travaillant sur cet essai avaient verrouillé les risques de dissémination du transgène conférant la résistance au court-noué : suppression des inflorescences du greffon non-OGM, utilisation d'un cépage non alsacien et isolement mécanique du périmètre contenant les nématodes porteurs du virus. Cela « dans un souci de préserver le terroir viticole », précise le dossier de presse de l'Inra du 24 août 2010.
D’un point de vue scientifique, cet essai « a déjà démontré des contradictions majeures », rétorquent les faucheurs. « Sans fleurs ni raisins qui n’auraient pu être laissés qu’en milieu confiné, cet essai ne pouvait en effet donner aucun résultat scientifique valable sur les risques de transmission de l’OGM au raisin et au vin, ni sur son efficacité dans la lutte contre le court-noué après la floraison de la vigne ».
D'autre part, « il n’a jamais été question d’évaluer les atteintes au terroir, notamment la modification de la microbiologie du sol et des levures », prétend le collectif. C'est faux. Le dossier de presse de l'Inra relève que l'étude de l'impact « éventuel » du transgène bactérien intégré dans les porte-greffes OGM est en cours, en collaboration avec le laboratoire d'Ecologie microbienne de l'Ecole centrale/Université de Lyon/CNRS de Lyon.
Au total, la moitié du budget de recherche était consacrée à l'étude d'impact environnemental des plants transgéniques.
Un essai pour étudier la résistance au virus, sans visée commerciale
Cet essai lancé en 2005 après trois années de préparation, initialement prévu pour durer cinq ans, détruit une première fois en septembre 2009 par un sabotage isolé, avait reçu le feu vert du ministère de l'Agriculture en mai, sur avis du Haut-Conseil des biotechnologies (HCB), et après une phase de consultation publique sur internet. Autorisé pour quatre nouvelles années, cet essai « avait pour objectif d'acquérir des connaissances sur le phénomène de résistance de la vigne au virus du court-noué et n'avait aucune vocation commerciale », souligne l'Inra.
Les faucheurs, comme les autres organisations anti-OGM, restent persuadés que le « wagon suivant », la recherche fondamentale sur les OGM agricoles, demeure « l'application technologique » et forcément commerciale au champ.
Reprenant le discours d'un des faucheurs de Colmar interrogé lundi dans le quotidien Libération (Jean-Pierre Frick, viticulteur alsacien en biodynamie), et selon lequel « le court-noué, tout le monde s'en fout », les faucheurs volontaires soutiennent que cet essai de Colmar est un leurre, plus politique qu'agronomique, sans utilité réelle car « dans le contexte d’une surproduction chronique de vin, où l’Europe finance l’arrachage définitif de 400.000 hectares de vignes, le court-noué réduit la production et augmente la qualité ».
Ces affirmations sont hasardeuses, car le court-noué, présent dans 60 % des vignes françaises selon l'Inra, provoque le dépérissement des pieds de vigne touchés. Et les grappes, lorsqu'il y en a, sont chétives, desséchées, inaptes à la production de vin. La problématique est réelle et sérieuse dans 30 % de nos vignobles touchés de façon importante, comme en Champagne.
Premiers résultats en faveur des méthodes alternatives, mais incomplets.
Après leur visite mardi à Colmar, le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, et la ministre de la Recherche, Valérie Pécresse, annonçant un nouveau financement pour relancer cet essai, ont indiqué qu'il avait déjà couté 1,2 million d'euros à l'Etat.
La facture monte pour le contribuable. En plus, les anti-OGM se sont tirés une balle dans le pied, estime le responsable scientifique de l'essai à Colmar, Olivier Lemaire. En effet, les premiers résultats, incomplets, révèlent un effet temporaire de la résistance au virus conférée au porte-greffe, ce qui aurait probablement joué d'autant plus en faveur des autres méthodes étudiées dans la lutte contre le court-noué : des plantes aux propriétés nématicides, et la sélection variétale classique (résistances naturelles au virus et au nématode vecteur).
Un hybride tolérant au court-noué, le porte-greffe Nemadex Alain Bouquet, une obtention ENTAV-Inra, devrait d'ailleurs être commercialisé à la fin de 2010, selon l'IFV (Institut de la vigne et du vin).
Quoi qu'il en soit, les faucheurs n'en démordent pas : « Si l’objectif de l’Inra est de répondre aux citoyens, alors la meilleure réponse qu’ils pourront leur apporter (...), c’est que la culture d’OGM en plein champ n’est pas possible sinon à condamner les autres modes de production agricole, et l’agriculture biologique en particulier. »
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(1) Lettre ouverte des faucheurs volontaires du 25 août 2010.
Lire également :
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- Destructions d'essais OGM : la science et la technologie « sont les cibles » (Afis, AFBV) (17 août 2010)
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Titre
vendredi 27 août 2010 - 19h06
La facture n'a pas de raison d'être supportée par les contribuables.Les faucheurs coivent être au minimum condamnés et de façon solidaire au remboursement de l'intégralité des débats, avec saisie de leurs biens si nécessaire. Ilsn'ont aucun droit à se faire justice eux-mêmes; ce ne sont que des délinquants. De plus l'INRA est un organisme public!