Une cinquantaine de viticulteurs du Beaujolais ont été condamnés le 17 mars à Villefranche-sur-Saône à des amendes allant jusqu'à 20.000 euros, bien au-delà du réquisitoire, pour avoir acheté du sucre au noir puis surchaptalisé leur vin (mis trop de sucre).
Ces viticulteurs étaient accusés d'avoir acheté au noir jusqu'à quatre tonnes de sucre, pour au final enrichir leur vin en alcool de 2 à 2,7 degrés, contre deux degrés au maximum autorisés.
Dans ses réquisitions le 27 janvier, le parquet avait réclamé de 700 à 5.000 euros d'amende contre eux.
La présidente du tribunal, Nelly Pradel, a condamné les viticulteurs à payer 119.000 euros d'amende au total, ainsi que 3.000 euros de dommages et intérêts versés collectivement à l'association de consommateurs CLCV.
«C'est la stupeur», a déclaré Me Michel Desilets, qui défend 41 des viticulteurs. «Ces peines sont ressenties comme éliminatoires: certains exploitants n'ont pas vendu leur vin depuis deux ans, et mangent grâce au salaire de leur épouse. Ces amendes peuvent les pousser à mettre la clef sous la porte».
«On n'a pas pris en compte la bonne foi des viticulteurs et les difficultés du millésime 2004», a regretté Dominique Cappart, président de l'organisme interprofessionnel Interbeaujolais. «Une grosse partie des viticulteurs qui sont là ont dépassé de peu le maximum autorisé, car ils pensaient obtenir une dérogation, en raison des mauvaises conditions météorologiques. C'est dur financièrement et psychologiquement», a-t-il dit.
Le syndicat agricole FDSEA a exprimé sa «consternation», estimant que les viticulteurs condamnés étaient «victimes d'une législation inadaptée» qui «permettait une chaptalisation à deux degrés dans le Beaujolais, et 3,5 degrés en année difficile dans la Champagne, le Val de Loire ou l'Ain».
«Le tribunal nous punit, sans nous donner de solution: comment faire si l'an prochain les conditions météo sont à nouveau très défavorables, et que nous n'obtenons pas de dérogation à temps?», s'inquiète un des viticulteurs condamnés, «révolté».
«Nous avons à coeur de faire un bon produit, nous n'avons pas pris le risque de nous retrouver au tribunal pour le plaisir, mais nous n'avions pas d'autre choix, personne n'aurait acheté un vin à 11 degrés», contre 12,5 à 13 degrés habituellement, souligne-t-il.
Comme lui, certains de ces viticulteurs ont manifesté leur intention de faire appel.
Par ailleurs, deux intermédiaires, qui achetaient le sucre sans facture et le distribuaient dans tout le Beaujolais, ont été condamnés à des peines d'un an de prison avec sursis assorti de 35.000 euros d'amende pour l'un, et six mois de prison avec sursis et 25.000 euros d'amende pour l'autre.
Trois supermarchés impliqués dans le trafic ont été condamnés à des peines allant de 4.000 à 20.000 euros d'amendes, bien inférieures à celles demandées. Le parquet avait requis de 50.000 à 100.000 euros d'amende pour les magasins et trois mois de prison avec sursis contre quatre directeurs.
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