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Article 2 :

Captages : les ambitions dépassent les moyens

Pour garantir la qualité de l’eau, notamment autour des captages, de nouvelles zones sont délimitées. Il reste à adapter localement les actions à y mener.

Le Grenelle de l’environnement fixe l’objectif de 100% des masses d’eau en bon état à terme, dont les deux tiers en 2015 et 90% en 2021. D’ici à 2012, les 500 captages d’eau potable les plus menacés par les pollutions diffuses devront être définis et leurs aires d’alimentation délimitées. Pour répondre à ces objectifs et pour protéger les espaces agricoles à fort enjeu environnemental, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 a instauré un outil juridique: les zones soumises aux contraintes environnementales (ZSCE).

Le dispositif ZSCE regroupe quatre types de zones: les zones d’érosion liées aux risques naturels, celles liées au bon état des eaux, les zones humides d’intérêt environnemental particulier et les zones visant la protection quantitative et qualitative des aires d’alimentation des captages d’eau potable.

Les professionnels apportent des réserves sur cet engagement jugé «trop ambitieux» à cause de l’échéance de 2015 trop proche. Dans les amendements apportés par les chambres d’agriculture au projet de loi Grenelle, l’objectif des deux tiers de masses d’eau en bon état en 2015 est jugé «très élevé et va nettement au-delà des conclusions des comités de bassin définies en tenant compte des enjeux environnementaux, sociaux, économiques et territoriaux. Cet objectif aura des impacts négatifs sur la compétitivité de l’économie française». Les chambres ajoutent: «En prenant des engagements qu’elle ne pourra tenir, la France s’expose à des poursuites financières à l’échelle communautaire.»

 

Manque de concertation

Les réflexions sont en cours sur le terrain pour permettre au préfet d’identifier et de délimiter les aires d’alimentation de captage d’eau et d’établir des programmes d’action. Mais les chambres d’agriculture regrettent le manque de consultation concernant l’identification des zones préalable à la délimitation. Pour atteindre les objectifs du programme d’action, une liste de mesures est proposée par le code rural, parmi lesquelles la couverture du sol, le travail du sol, la gestion des intrants, la diversification des cultures... Elles peuvent être financées, dans le cadre notamment de mesures agroenvironnementales territorialisées (MAET). Mais la profession dénonce le manque d’adaptation locale, d’attractivité économique et les contraintes supplémentaires qui en découlent.

Dans les départements qui commencent à travailler sur ces mesures, comme dans l’Hérault, on s’inquiète: «Les MAET doivent s’adapter aux conditions locales pour laisser une marge de manœuvre aux agriculteurs, sinon les objectifs de qualité de l’eau d’ici à 2015 seront très difficiles à atteindre», estime Alice Boscher, de la chambre d’agriculture.

L’implication des agriculteurs est cruciale, d’autant plus que les mesures devraient passer d’un statut volontaire à un statut obligatoire rapidement. Dans le cas général, après un délai de trois ans suivant la publication du programme d’action et si les objectifs fixés ne sont pas atteints (pourcentage des surfaces engagées ou de contractualisation de MAET...), les mesures deviendront obligatoires et pourront faire l’objet de sanctions pénales. On parle d’un seuil minimal de 70% de contractualisation de MAET par les agriculteurs concernés pour que les mesures ne soient pas obligatoires. Si elles le deviennent, elles pourraient être financées par des indemnités compensatoires de contraintes environnementales dégressives sur cinq ans.

 

Trouver des solutions locales

Le but est d’éviter d’en arriver à des obligations. Dans la Sarthe, dont l’arrêté sur les programmes d’action ZSCE va bientôt être adopté, les MAE n’étaient initialement pas adaptées aux contraintes locales. «Après beaucoup de discussions entre la chambre, la DDA et le syndicat des eau, nous sommes parvenus à un accord sur une MAE rotationnelle, explique Catherine Schaepelynck, élue de la chambre de la Sarthe. Nous travaillons sur un captage qui concerne 2.500 hectares de zones agricoles. Il fallait trouver une solution pour éviter une perte économique trop importante pour les exploitations. Les agriculteurs doivent raisonner l’azote avec un allongement des rotations, une augmentation des surfaces de colza et une couverture des sols à 100% d’ici à trois ans. Aujourd’hui, 50% des surfaces concernées sont engagées dans cette MAE rotationnelle.»

Dans d’autres départements (lire l'encadré), la mise en place de mesures s’organise aussi mais stagne en attendant l’adaptation des MAET. Si aucun accord n’est trouvé, il n’y aura plus d’autres solutions que la délocalisation des cultures.

 

 

Le Gard espère une adaptation des MAET

«Depuis un an, la chambre travaille sur la reconquête de la qualité de l’eau potable avec l’agence de l’eau, le conseil général et le préfet, précise Anne-Lise Galtier, de la chambre d’agriculture du Gard. Sur treize captages, nous aidons les collectivités à lutter contre les pollutions diffuses, explique la conseillère. Pour cela, des diagnostics hydrogéologiques et agroéconomiques sont mis en place pour définir l’aire d’alimentation du captage, cerner les sources de pollution et préciser les pratiques agricoles du secteur. D’ici à la fin de 2008, des programmes d’actions ZSCE sur un ou deux captages seront établis, en concertation avec les agriculteurs. Mais des financements nous manquent pour inciter les exploitants à mettre en place des pratiques telles que le désherbage mécanique, les cultures intermédiaires... Les MAET ne correspondent pas aux situations de terrain. Si les actions réalisées par les agriculteurs ne suffisent pas, nous envisageons d’autres solutions pour atteindre les objectifs de qualité de l’eau : mise en place de servitudes financées par les agences de l’eau sur certaines parcelles (pas de désherbage par exemple), achat par la commune des parcelles à risque et installation d’un agriculteur avec un bail rural environnemental... Si nous ne trouvons pas de solutions acceptables, la délocalisation des cultures deviendra inévitable pour certains secteurs. Mais cette option pose d’autres problèmes en terme de disponibilité de foncier et de destination de ces terrains par la suite.»

 

 

Faible mobilisation pour la consultation sur les Sdage

La consultation nationale sur la future politique de l’eau organisée par les agences de l’eau, qui a duré six mois, se termine le 15 octobre. D’après les premiers résultats, le taux de participation a été assez faible: entre 2 et 3% des questionnaires ont été renvoyés. L’objectif était de recueillir l’avis du public concernant la révision des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage). Ces schémas définissent les politiques de l’eau dans chaque grand bassin hydrographique et les objectifs de reconquête de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques.

Le projet sera, en février 2009, soumis à l’avis des collectivités locales, des établissements publics territoriaux de bassin et des chambres d’agriculture. La modification des Sdage tiendra compte non seulement de cette consultation publique mais aussi de l’objectif politique affiché, dans le cadre du Grenelle, d’atteindre dès 2015 le bon état des eaux pour deux tiers des masses d’eau. La directive-cadre européenne sur l’eau de 2000 exige une révision des Sdage au plus tard le 22 décembre 2009 pour couvrir la période 2010-2015.

 

par Florence Mélix

(publié le 3 octobre 2008)



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