Quels sont les leviers possibles pour atteindre l’objectif fixé par le Grenelle de l'environnement de réduire de moitié l’usage des phytos?
Il n’y a pas de voie royale et il faut mobiliser tous les moyens possibles. C’est l’objet des discussions en cours au sein du comité opérationnel Ecophyto. Depuis plusieurs dizaines d’années, les agriculteurs ont pris l’habitude de traiter avec des produits phytosanitaires car il s’agit d’une solution confortable. Le retrait en cours de plusieurs matières actives ne permettra de diminuer l’utilisation des phytos que de 2 ou 3 %. L’alternative aujourd’hui est de «remaîtriser» l’exploitation dans tout son environnement grâce à la prophylaxie et à un choix repensé des itinéraires techniques au niveau global. On peut faire le parallèle avec la santé où on a longtemps cru qu’on pouvait tout soigner avec les médicaments, et la réflexion sur l’hygiène est venue plus tard. La prophylaxie, c’est compliqué car elle dépend de chaque culture. A l’inverse, l’industrie phytosanitaire propose des molécules de plus en plus universelles. On va donc passer d’un modèle assez simple à un modèle plus complexe dépendant de l’environnement pédoclimatique.
Comment accompagner les agriculteurs vers l’évolution des pratiques?
Il faut un effort gigantesque de formation car cela a été oublié jusque-là. L’objectif est d’arriver à prouver qu’il est possible de gagner sa vie tout en raisonnant ses pratiques. Toutes les filières de production doivent s’investir pour encadrer les agriculteurs afin que le mouvement soit perceptible chez tous les producteurs. Mais cela n’aura de sens que si derrière ils s’engagent dans une démarche de certification de leurs pratiques. Il faut aussi que l’aval se mobilise sur la question. En pomme de terre par exemple, beaucoup de progrès ont été faits en termes d’utilisation des produits car les industriels ont agit sous peine de se voir fermer des débouchés.
Quel est l’intérêt de diminuer l’utilisation des produits phyto?
Il s’agit de tenir compte de l’inquiétude des consommateurs et de l’intensification de l’agriculture en France face à la baisse de la disponibilité en terre. Dans l’Hexagone, un tiers d’hectare est en effet disponible par habitant, contre 1 hectare par habitant outre-Atlantique. Nous devons produire plus par hectare. Or notre avantage économique, ce sont les produits transformés plutôt destinés à l’Union européenne. Les acteurs agricoles ont donc intérêt à suivre la qualité des produits. Si nous ne faisons rien, nous risquons de butter sur une impasse agronomique et sur des difficultés accrues d’accès au marché. Il faut créer la confiance en arrivant à montrer par des chiffres qu’il est possible de réduire l’utilisation des phytos. Mais, à terme, il faut surtout qu’on puisse déboucher sur des études d’impact sur l’eau, la santé des applicateurs…
par Isabelle Escoffier, Marie Le Bourgeois et Florence Mélix (publié le 28 mars 2008)
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