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Ration sèche: le prix de la simplicité en vaches laitières

La ration sèche a percé en France depuis que les étés chauds et secs se succèdent. Elle se compose aux trois quarts d’un concentré unique et à un quart d’un fourrage grossier.

Elle est souvent présentée comme un outil de plus pour résoudre un manque de main-d’oeuvre ou simplifier le travail, pour faire face à un déficit fourrager, à une attribution de quota supplémentaire, ou encore pour éviter des investissements en matériel ou en bâtiments. A condition d’ajuster correctement la ration, la production de lait par vache augmente effectivement, pour un travail d’astreinte moindre. Mais cette solution a un prix et les factures de concentrés s’envolent (de 170 à 200 €/t). La trésorerie doit donc suivre. Cela induit aussi une remise en cause complète du système d’exploitation. L’assolement est à revoir, avec des hectares de maïs ensilage qui disparaissent au profit des cultures de vente ou du foin. L’organisation du travail également se trouve modifiée : l’astreinte est réduite et les travaux culturaux ont lieu à des périodes différentes. Des avantages et des inconvénients à bien peser avant de s’engager.

 

 

"J’allège l’astreinte quotidienne"

 

Le gain de temps sur le travail d’astreinte reste l’argument fort de la ration sèche.

 

"Ou je trouvais un moyen de gagner du temps au quotidien, ou j’arrêtais le lait", avoue Didier Boursiquot, installé à La Vallée (Charente-Maritime). Confronté en début d’année au départ de son salarié, il cherche une solution pour mener de front 130 hectares de cultures et 600.000 litres de quota laitier. Son choix se porte sur la ration sèche. "J’évalue le gain de temps à 800 heures par an. Ce système, très simple, permet à une personne de se débrouiller seule le temps du week-end. Le concentré est distribué automatiquement deux fois par jour dans des nourrisseurs. Je n’ai qu’à dérouler le foin au quotidien. Je n’ai pas modifié mon assolement. Les surfaces de maïs sont désormais récoltées en grain. J’ai également arrêté d’ensiler de l’herbe pour tout récolter en foin."

 

Le coût alimentaire s'élourdit

Avant de se lancer, Didier a réalisé une simulation économique avec un bureau d’étude. "Les charges alimentaires plombent le résultat, en s’alourdissant de 43 euros par 1.000 litres. Le coût des concentrés double, passant de 56 à 112 euros par 1.000 litres, alors que le coût des fourrages grossiers ne diminue que de 28 à 15 euros par 1.000 litres." Pour lui, la ration sèche reste une solution d’attente, avant de trouver moins coûteux: regroupement, mélangeuse-distributrice en Cuma…

 

Téléchargez la Simulation économique (56.83 Ko).

 

3/4 d’aliment concentré fibreux, 1/4 de fourrage

La ration sèche se compose d’un concentré unique (15 à 22 kg) et d’un fourrage grossier (7 à 10 kg). L’aliment concentré apporte de la fibre, l’énergie et l’azote, pour une valeur alimentaire de 0,9 à 1 UFL/kg et 110 à 125 g PDI/kg. Il contient de nombreux ingrédients: luzerne, céréales, tourteaux, pulpes, oligoéléments, autres additifs, sous forme de mash, de bouchons ou de granulés. Indispensables pour assurer une bonne rumination, le foin ou la paille lestent la panse. Attention à apporter de l’eau en quantité. Avec ce type de ration, une vache boit facilement 100 litres par jour.

 

Gain de temps: moins d’une heure par jour

Les réseaux d’élevage des chambres d’agriculture et l’Institut de l’élevage nuancent les gains en temps de travail annoncés par les fournisseurs d’aliments. L’astreinte quotidienne liée au débâchage du silo de maïs, au désilage et à la distribution de la ration est effectivement allégée. Par rapport à des systèmes à base de maïs ensilage optimisés, le gain de temps est évalué à moins d’une heure par jour. Mais pas 2 à 3 heures, comme on l’entend souvent. "Ou alors l’éleveur était mal organisé à l’origine, suggère Philippe Brunschwig, de l’Institut de l’élevage. Il était alors possible d’améliorer ses pratiques existantes."

Concernant les travaux saisonniers, les pointes de travail se répartissent différemment : moins de travail à l’automne suite à la suppression des chantiers d’ensilage, mais plus de temps consacré à la fenaison et aux cultures qui se substituent au maïs.

 

Un produit de haute technologie

- pour les adeptes

Avec leurs offres d’aliments rations sèches, les fabricants visent les adeptes de technologie. « La ration sèche ne constitue pas une rupture technique pure, mais elle exige une bonne maîtrise, résume Alain Guyonvard, d’Evialis. Une vache sera toujours plus sur le fil du rasoir de l’acidose qu’avec du pâturage uniquement. » Ainsi, toute dérive dans la consommation de concentré peut conduire à des déceptions. C’est ce que montrait l’essai réalisé sur le troupeau laitier de l’Institut national agronomique Paris-Grignon, il y a deux ans. « Nous n’avons pas rencontré de difficulté avec le lot de vaches nourries au distributeur automatique de concentrés (Dac), se rappelle Marion Saadé, en charge du suivi du troupeau. En revanche, avec le nourrisseur, il était difficile de caler les consommations. » Le Dac offre aussi la possibilité d’adapter la quantité de concentré en fonction du stade de lactation.

 

- de 5 à 10% des élevages

"La distribution au Dac convient le mieux, confirme Jacques Eouzan, de Centralys. Mais, sur le terrain, toutes les pratiques existent, de la brouette à une automatisation poussée. » La ration sèche pourrait concerner à terme de 5 et 10% des élevages, mais guère plus, évaluent les fabricants. Reconnaissant que cette technique est à étudier "au cas par cas", ils conseillent un diagnostic technico-économique aux éleveurs. Ces derniers doivent en valider chaque hypothèse.

Depuis quatre ans, près de trois cents éleveurs ont adopté la ration sèche via la firme service Inzo, qui a réalisé une enquête auprès de trente-cinq d’entre eux (voir tableau). Selon cette étude, la dégradation de la marge brute de l’atelier lait est due au poste « concentrés», malgré une baisse des postes « fourrages» et « frais d’élevage» liés à la réduction de l’effectif. Mais la marge dégagée par les cultures de vente supplémentaire améliore la marge brute de l’exploitation. Par ailleurs, la moindre mécanisation permet une baisse des charges fixes.

« Le gain potentiel est très variable, avertit cependant Philippe Brunschwig, de l’Institut de l’élevage. Si le système initial n’était pas calé, les marges de progrès sont importantes en passant en ration sèche. Mais elles le seraient tout autant en optimisant la situation initiale !»

 

- pour des cas particuliers

Certains éleveurs peuvent cependant y trouver un intérêt économique. Ainsi, pour ceux qui cherchent à augmenter leur production de lait, l’accroissement de la recette laitière peut compenser la charge supplémentaire en concentrés. D’autres producteurs évitent de renouveler le matériel de distribution du maïs, ou de rénover les silos. La hausse de la productivité des vaches économise également quelques places sous bâtiment. Enfin, avec la baisse du temps de travail, l’exploitant peut parfois se passer d’un employé, et donc réduire ses charges salariales.

Téléchargez le Calcul de marge brute globale avec ou sans concentrés (22.52 Ko).

 

 

"J’augmente la productivité"

 

Le passage à la ration sèche s’est traduit par une hausse de production de 5 litres par vache traite.

 

"La ration sèche, c’est la ration de l’avenir. Et son mode d’emploi est d’une simplicité déconcertante." Laurent Petit, éleveur à Angliers (Charente-Maritime), n’en doute pas: il a opté pour ce système pour trois raisons. Un manque de main-d’oeuvre, des difficultés à récolter suffisamment de stocks fourragers sur des terres séchantes et non irriguées. Mais surtout, une volonté de valoriser le potentiel génétique de ses cinquante-cinq prim’holsteins, afin de faire face à une hausse du quota et à un manque de place.

Pari tenu! Ses laitières sont passées de 9.000 l à 12.000 litres. Avec la ration sèche, une vache ingère 1,5 à 2,5 kg de matière sèche en plus par jour, ce qui se traduit par une hausse de la production laitière de 3 à 5 kg. Mais la marge de progrès varie selon le potentiel de la vache et son niveau de production initial.

 

Recul du TB

La teneur en matière utile est malmenée. Le TP varie peu, mais le TB chute de 3 à 5 points par dilution. Cette baisse permet d’augmenter les livraisons en volume. Chez Laurent Petit, le TB s’est effondré, passant de 39 à 29 g/kg. Avec les pénalités matière grasse, le prix du lait a reculé de 290 à 240 euros par 1.000 litres. "Economiquement, j’y gagne quand même, précise Laurent. Ma référence est 443.000 litres à 39 de TB. Avec un TB moyen de 30, je peux livrer 132.000 litres en plus."

 

Témoins: ODILE SCHEFFER et FRANCIS PERSON, éleveurs à Vadelaincourt, dans la Meuse

"Nous avons cumulé les problèmes de santé"

La hausse de la production, Odile Scheffer et Francis Person l’ont eux aussi constatée, mais ils en paient encore les conséquences. Eleveurs à Vadelaincourt, dans la Meuse, ils sont passés en ration sèche en août 2005 pour alléger le travail. Dès le premier mois, les compteurs explosent: de 2.500 à 3.000 litres en plus par vache. Depuis, ils maintiennent leur moyenne d’étable à 12.000 litres. Mais les mammites et les non-retours en chaleur se sont succédé. Les vaches ont beaucoup maigri. Elles ont souffert de tachycardie et de ruminite. En cause, une transition alimentaire trop courte et une quantité de concentrés trop importante, 22 kg, avec un fractionnement des repas insuffisant. Leur nourrisseur est pourtant réglé au minimum. Ils optent finalement pour une distribution au Dac, afin de rationner les vaches à 17 kg. L’état du troupeau se rétablit. Odile et Francis décident néanmoins d’arrêter les frais et de réimplanter du maïs. Mais le bilan est amer : ils ont dû réformer plusieurs vaches, la trésorerie a souffert. Et surtout, les techniciens les ont "lâchés" en cours de route.

 

Eviter l’acidose

 

LES PRINCIPAUX RISQUES LIÉS À LA RATION SÈCHE

L’acidose se manifeste par des anomalies du TB.

La solution: très vite faire consommer plus de foin pour faire ruminer et augmenter le taux de cellulose ou de concentrés.

Le déficit énergétique se manifeste par une chute de TP, un amaigrissement, de l’infertilité.

La solution: enrichir la ration en amidon.

Une fréquence accrue des mammites liée à la forte hausse de la production laitière.

 

ASSURER LA SURVEILLANCE

"Avec la ration sèche, il s’agit de gagner du temps sur certaines tâches, mais pas de se débarrasser du travail," rappelle Michel Vagneur, vétérinaire. L’éleveur doit observer attentivement ses animaux et réagir vite.

 

PAS LE DROIT À L’ERREUR

Avec une ration constituée aux trois quarts de concentrés, très acidogène, l’éleveur n’a droit à aucun dérapage. Les apports seront fractionnés à raison de 3 kg par repas. Si l’éleveur utilise un nourrisseur, il le règlera pour que les concentrés soient distribués au compte-gouttes.

Un apport de fourrages grossiers (foin de première coupe, paille) est également essentiel pour faire ruminer. Le fourrage doit être bien conservé et appétent. Quant à la longévité d’une laitière ainsi "boostée", le recul est insuffisant. "Mais si le niveau d’ingestion ne suit pas la hausse de production, les vaches piochent dans leurs réserves, avec des conséquences sur leur santé ou leur fertilité", explique Philippe Brunschwig, de l’Institut de l’élevage.

 

 

"Je sécurise l’affouragement"

 

La ration sèche permet de pallier les déficits fourragers chroniques.

 

"Sur l’île d’Oléron, il n’est pas possible d’irriguer et le climat est sec, explique Eric Themier, installé à Saint-Gilles (Charente-Maritime). Les maïs sont de qualité irrégulière, avec des rendements très moyens. Et les chantiers d’ensilage, alors que nous ne sommes plus que quelques éleveurs, devenaient difficiles à organiser." Les 30 ha de maïs ont rejoint les 70 ha de cultures de vente (blé, orge et colza). Les surfaces en herbe n’ont pas varié: 10 hectares restent en pâturage pour les 50 prim’holsteins, et 40 hectares sont fauchés. Une seule coupe par an, le climat sec n’autorise rien de plus.

 

10 kg de foin par vache et par jour

"Ma récolte de foin est un peu juste pour les 50 vaches, qui en consomment 10 kg par jour, remarque Eric. L’an prochain, j’implanterai 5 ha de fétuque en plus sur des terres humides." Il attend également le bilan économique. " A priori , ça passera, estime-t-il. Le système précédent me coûtait très cher également. Nous devions déjà compléter le maïs par des aliments achetés. Dans tous les cas, je ne reviendrai pas à l’ensilage."

 

Le début de l'intégration

Une conseillère de Poitou-Charentes tire cependant la sonnette d’alarme: "On commence par déléguer l’alimentation et on finit en intégration, comme cela s’est passé pour l’élevage caprin!" Jean-Philippe Dethoor, de l’Union laitière de la Meuse (ULM), remarque pour sa part: "Dans la Meuse, de 60 à 70 % des surfaces sont en prairies. Si on utilise des concentrés, on ne saura plus quoi faire de l’herbe!"

Par ailleurs, la nécessité de distribuer du foin de qualité ne permet plus de valoriser les fourrages de qualité moyenne. D’autant qu’il n’est pas toujours facile de réaliser un bon foin, en particulier dans les régions soumises à une pluviométrie importante.

 

Témoin: FRANÇOIS DOUSSON, éleveur à Pressignac (Charente)

La ration semi-sèche m’a évité d’augmenter mes surfaces de maïs

La ration sèche, trop radicale ou trop coûteuse, ne convient pas à tous. Certains utilisent la ration semi-sèche : l’aliment concentré, à raison de 5 à 10 kg par vache et par jour, est en complément unique de la pâture ou de l’ensilage. François Dousson, installé sur 55 ha à Pressignac (Charente), cherchait un système simple pour concilier l’élevage laitier avec la vie de famille. "Je distribue l’aliment ration sèche en concentré unique à mes 50 montbéliardes pendant la saison de pâturage, à raison de 4 à 5 kg par vache. Il m’a évité d’augmenter mes surfaces en maïs lorsque j’ai obtenu une rallonge de quota, et de fermer le silo entre mars et août. J’ai tout intérêt à maximiser l’herbe: sur 55 ha, j’en ai 45 en prairies. Pendant l’hiver, je reste à une ration à base d’ensilage de maïs et d’herbe."

Sa coopérative avait réalisé une étude économique pour un passage en ration sèche toute l’année, mais elle ne l’a pas convaincu. "La trésorerie n’aurait pas suivi. Mes charges de structure sont trop élevées. Je m’y pencherai peut-être dans quelques années, pour aller vers une simplification totale du travail."

En revanche, la ration sèche convient parfaitement… à ses génisses! "La différence est flagrante, explique-t-il. Elles sont en bien meilleur état, avec plus de gabarit, elles sont moins grasses et présentent moins de descente de mamelle. Et le temps consacré aux élèves a radicalement diminué."

par Elsa Casalegno

(publié le 15 décembre 2006)



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